La Princesse de la Mafia

8. Simulacre

- Je ne dirai rien, lancé-je.

Les sourcils bruns de Rosa se relèvent en même temps. Accoudée au comptoir du Scrigno, un frappé camomille-hibiscus dans les mains et une paille rouge dans la bouche, elle me regarde depuis une bonne minute servir les clients et leur rendre la monnaie.

- Ah, ça j'ai bien compris, chica.

Elle se redresse en tapant son gobelet contre le comptoir. Mon dernier client lui jette un regard courroucé avant de me toiser comme si j'étais responsable de tous les maux du monde. Il s'empare d'une paille et part en poussant ce soupir que les adultes font face aux comportements puérils des ados.

- Merci pour votre visite, à très bientôt dans notre boutique ! m'écrié-je en le suivant des yeux jusqu'à ce qu'il passe la porte.

Il ne se retourne pas une fois.

Qu'est-ce qu'ils peuvent être nerveux ces clients du Scrigno ! Moi, j'ai des meurtriers haut-de-gamme qui veulent la peau de mes fesses, ce n'est pas pour autant que j'en oublie d'être courtoise.

- Rosa, je travaille ! lui dis-je en la repoussant du comptoir parce qu'elle fait comme si elle était chez elle.

Elle se décale mais me suit tandis que j'arrange la vitrine. Elle s'abaisse en même temps que moi quand je m'occupe des bombolini à la pistache sur l'étagère la plus basse et son visage se colle quasiment contre la paroi.

- Mais pourquoi tu ne veux pas en parler ? Des flics - des putains de gringo(1), précise-t-elle, sont venus t'arrêter sur le campus, devant tous nos camarades, ils t'ont accusé de meurtre, foutu en garde-à-vue pendant deeees heures, et à tort ! Tu devrais être révoltée !

Je lève les épaules alors que mon cerveau crie « Je suis révoltée parce que j'ai été piégé, et si le FBI et la DEA ne suivaient pas la famille Con Forza de près, je serai en train de faire un remake d'Orange is The New Black à l'heure actuelle ». Mais je ne peux rien lui dire...

- Ouais. C'est complètement dingue, mais c'est fini maintenant. Tu sais que c'est compliqué pour la police ces derniers temps.

- C'est pas compliqué pour eux, Whitney ! C'est compliqué pour les gens comme nous qui sommes censés avoir confiance en elle pour nous pro-té-ger ! Regarde-moi dans les yeux et dis-moi maintenant que tu verras toujours les flics du même oeil après cette histoire.

J'inspire profondément en faisant ce qu'elle dit et répète :

- J'ai toujours autant confiance en la police.

Si ce n'est plus maintenant que ma survie dépend d'eux.

Je me redresse et accueille la commande suivante. Rosa suit des yeux chacun de mes gestes et reprends la parole une fois le client parti.

- Et pour le meurtre, ils t'ont dit de quoi il s'agissait ?

Là, je retrouve bien ma Rosa Jimenez, oh-trop-curieuse et futée, future avocate de la défense pour le tribunal de New-York. Enfin, s'ils la recrutent. Mais avec son étonnant pouvoir de persuasion, le contraire m'étonnerait. Je sors alors une partie du mensonge monté de toute pièce par Christopher.

- Ils n'en ont pas parlé, mais je suppose qu'il doit y avoir un lien avec le trafic.

Ma voix est basse, mes yeux sont baissés, on aurait clairement dit que je répète un texte appris par cœur. Je ne sais vraiment pas mentir !