Il était une fois Madame de Tourmalbier.
J'admets volontiers que tout était dit en marquant ce « Il était une fois Madame de Tourmalbier ». Cependant, vous ne connaissez sans doute pas Madame de Tourmalbier, bien heureux que vous êtes ! Je n'avais pas prévu de vous en parler, mais puisque vous insistez, je vais en dresser ici le portrait et vous narrer en même temps sa récente mésaventure.
Madame était une personne extravagante et extravertie, capricieuse et précieuse. L'élégance était un second prénom et nuisance certainement le troisième. Son regard acéré comme un rapace se posait sur le moindre détail l'environnant, du plus trivial au plus important, rien ne lui échappait. Selon ce qu'elle dénichait, il émanait d'elle une aura de pâtisserie trop sucrée jusqu'à l'écœurement : taquinerie, air mielleux ou condescendant, soupire agacé et ton maternel, infantilisation et médisance, pique humiliante et commérage sans bienveillance. Pourtant, la dame était très jolie, toujours accueillante et cultivée, avec une conversation agréable. Les apparences étaient trompeuses et Madame de Tourmalbier en était la preuve, avant d'en être victime.
Ce jour-là, un énième convive partit en claquant la porte du manoir. Il protestait contre la vanité crasseuse de son hôte ainsi que les bassesses ignobles commises à l'encontre d'une amie par la dame en question. L'amie calomniée pleurait depuis des mois, choquée et sidérée par le changement d'attitude aussi brusque qu'infondé.
Madame de Tourmalbier ne parut point troublée par ce qu'elle interprétait comme étant de l'immaturité. Car, après tout :
— Je ne suis pas méchante, j'émets simplement la vérité.
Si bien des philosophes contestèrent son approche de la vérité, prétextant qu'il s'agissait ici de SA vérité à elle et non d'une réalité, elle les ignora superbement :
— Vous êtes vexé de ne pas pouvoir vous hisser au niveau de mon intellect, admettez que j'ai raison.
Elle voulait toujours avoir le dernier mot, ne laissant aucun répit à ses détracteurs et les empêchant ainsi de contre-argumenter efficacement.
Madame de Tourmalbier grignota ses petits biscuits secs avec son thé amer dans un silence pesant. En parlant de poids, notre dame sentait son cou la tirer, la picoter tandis que ses épaules se raidissaient lentement mais sûrement. Elle pensa en premier lieu à cette perruque aussi haute que le guéridon sur lequel elle reposa sa tasse de thé tiédie. Elle vint à penser aux boucles d'oreilles en or et en marbre qu'elle avait ajouté pour parfaire sa toilette. Nul doute que la combinaison des deux lui causerait à long terme un violent mal de tête.
Elle secoua les épaules, dodelina de la tête et pria très fort pour qu'aucun autre visiteur vienne la tourmenter avec des problèmes insipides afin qu'elle puisse se changer. Ce fut au moment où elle se décida à reprendre une gorgée de thé qu'elle aperçut la raison de son mal-être.
Dans le miroir. Immense et grotesque. Immonde et grassouillet. Très mal accordé à sa toilette qui plus est. Cette chose !
— Bonjour Madame, salua la chose sur la tête de Madame de Tourmalbier.
Se croyant victime d'une hallucination, elle ferma les yeux avant de les rouvrir et de se rendre compte que cette créature démoniaque était toujours perchée sur ses cheveux.
— Ils font tous ça, mais je suis bien vivant ! s'exclama avec fierté la chose.
Madame de Tourmalbier se leva, secoua frénétiquement la tête et fut effrayée de comprendre que sa perruque ne s'ôtait plus. Pas plus que la chose, toujours perchée sur ses cheveux.
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Constellations d'histoires (OS)
Short StoryHistoires de science-fiction, de fantasy, d'aventure ou encore romance, contemporain, voici de courts récits, des nouvelles, du one shot (OS).