Chapitre 2

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Stiles était un peu stupide sur les bords. Il fallait être sacrément idiot et dépourvu de tout instinct de survie pour se mettre en danger comme il l'avait fait ce soir-là. Sa présence et sa tactique avaient été décisives, certes... Pour autant, Théo et Jackson ne considéraient pas que c'eût été réellement indispensable. En tant qu'humain pur et dur, l'hyperactif était censé rester à l'arrière, s'occuper principalement des stratégies à mettre en place et surtout, coordonner les opérations. Pas y participer directement, pour la simple et bonne raison que son humanité le rendait beaucoup trop fragile, cassable. Si Stiles lui-même trouvait ce raisonnement ignoblement idiot, Théo et Jackson restaient pragmatiques. La preuve en était que le bougre s'était retrouvé blessé. Rien de grave, juste un vilain bleu à la jambe et quelques égratignures ici et là. Pour Stiles, ce n'était rien. Pour les deux anciens parias de la meute, c'était déjà trop. Cependant, chacun garda le silence sur ce qu'ils prenaient pour de l'irresponsabilité. Stiles n'était pas le seul fautif, à vrai dire... La palme d'or de l'irresponsabilité la plus flagrante revenait à Scott. En tant que meilleur ami, il devrait dissuader l'hyperactif de se mettre en danger de la sorte. C'était d'ailleurs quelque chose qu'il faisait pour Lydia, qui n'intervenait de front que si son don était expressément utile et qu'on était certain de pouvoir la protéger.

- Mais me mets pas du désinfectant t'es un malade !

Jackson tourna la tête vers l'hyperactif qui s'égosillait face à un Peter Hale à l'air des plus agacés. Pas étonnamment, lorsque l'on savait que Scott l'avait désigné pour s'occuper des petites blessures sans gravité de Stiles. Même s'il trouvait les décisions de son alpha stupide quant à cette soirée, le kanima ne put s'empêcher de ressentir une espèce de compassion pour l'oncle Hale. Qu'importe à quel point Stiles était attachant – pensée qu'il n'avouerait jamais à personne –, il restait... Chiant, à la limite du supportable.

Peter poussa un profond soupir.

- Dois-je vraiment te réexpliquer à quoi ça sert ? Et dire que c'est à ça qu'on confie nos vies...

- Alors là c'est le pompon, râla Stiles. En attendant, si je passais pas mon temps à courir derrière vous, j'en connais plusieurs qui seraient aujourd'hui six pieds sous terre. Toi, tu l'as déjà été, je sais, mais tu y serais retourné. Quant à ce fruit du diable que tu veux me mettre dessus, je te ferais remarquer que je sais parfaitement à quoi ça sert, c'est juste que... Ça pique fort, cette merde !

Pour illustrer ses propos, il grimaça.

- J'ai pas besoin de ça pour guérir, ça va. Passe-moi des pansements, qu'on en finisse !

Peter le toisa un moment avant d'agir. Si Stiles poussa un cri démesurément exagéré, l'expression de douleur sur son visage était réelle. Jackson resta en retrait et s'il eut envie de rire devant le côté douillet de l'hyperactif, il ne s'autorisa rien de plus qu'un rictus moqueur que Stiles, de son point de vue, ne pourrait pas voir. Autour de lui, on ne se gêna pas pour s'esclaffer. Même Isaac, l'agneau tout doux de la meute, toujours très empathique avec l'hyperactif, ne retint pas son rire. La scène avait de quoi être comique : Peter le désinfectait de force tout en esquissant une moue dégoûtée tandis que le châtain tentait vainement de lui échapper en geignant.

- Je savais que tu voulais ma mort, couina Stiles.

- Et c'est d'autant plus vrai quand je t'entends l'ouvrir encore et encore, maugréa Peter en lui collant une compresse dégoulinante de désinfectant sur la joue.

- Mais arrêêêête ! Geignit l'humain en fermant les yeux fortement.

Pour être douillet, ça il l'était. Si le fait de prendre le risque de se blesser – de mourir – ne lui faisait pas peur, tout ce qui concernait les soins médicaux lui donnait envie de se pendre. Il était le genre de personnes à ne rien faire de plus que mettre un pansement lorsqu'il s'égratignait, ou lorsqu'un chat le griffait. Jusqu'à maintenant, il en avait toujours fait ainsi et il ne lui était encore jamais rien arrivé : pourquoi donc les choses changeraient-elles soudainement ? Il n'avait même pas daigné traiter la morsure que lui avait faite Donovan et pourtant, elle ne s'était pas infectée. La cicatrice était franchement moche mais au moins, tout allait bien. Pas la moindre complication dans sa guérison. Pour cette blessure-ci, disons que le contexte était particulier : si Stiles ne s'était pas soigné, c'était en grande partie à cause de la culpabilité qui l'avait longtemps rongé – et qui continuait. Pour ses égratignures de la soirée, il s'agissait à ses yeux d'une absence pure d'utilité. De si petites plaies ne pouvaient pas s'infecter, ça lui paraissait stupides. Et puis si cela arrivait, qu'aurait-il ? Des rougeurs, tout au plus. Un cachet d'antibiotiques et ç'aurait été réglé.

- J'ai des globules blancs en béton, laisse-les faire leur taff, merde !

- Je prends soin de l'humain incroyablement gênant que tu es, rétorqua Peter, la mâchoire serrée. Ne crois pas que je fasse ça de gaieté de cœur, je tiens à ma place dans cette meute.

Lorsque Scott donnait un ordre, il fallait le respecter. Son côté « puppy » n'enlevait rien à son autorité et si Peter savait qu'il faudrait bien plus d'une erreur pour provoquer son éviction de la meute, il faisait tout de même attention. Ça, la version officielle, qui n'était en réalité qu'une partie de la vérité. L'autre raison, elle était inavouable et Jackson la devinait aisément, puisqu'il ressentait la même chose. Dans cette bande aussi étrange qu'hétéroclite, on adorait détester Stiles. Ou alors, on l'adorait et on le détestait, les deux à la fois. Le kanima était d'ailleurs quasi-certain que Peter était, d'une certaine manière, tombé sous le charme amical de l'hyperactif. Et encore, il ne le connaissait pas depuis si longtemps que cela, au contraire de Jackson qui avait fait sa rencontre sur les bancs de l'école.

Quand il repensait à cette époque, son cœur se serrait toujours d'une étrange manière. Il y avait cette part de lui qui se gorgeait de joie à la réminiscence de ces souvenirs... Cette part-même qui se disait que c'était une belle époque, que tout y était plus simple, plus beau. Théo, Stiles et Jackson formaient un trio inséparable et soudé, un trio dont plus rien ne subsistait. L'autre part du kanima, un peu plus simple, en voulait encore à Stiles d'avoir tout détruit, tout en ayant conscience que ce n'était pas vraiment de sa faute. Parfois, c'est comme ça : dans la vie, les gens vont et viennent, entrent et sortent de nos vies sans crier gare. D'un autre côté, Stiles n'était jamais vraiment parti, c'était ça le pire. Ils avaient continué leur vie respective chacun de leur côté, comme des lignes parallèle – par définition, elles ne se rencontraient jamais. La meute les avaient faites s'entrechoquer, certes... Mais pas comme il l'aurait voulu.

Là encore, il se retrouvait dans la même bande que Stiles, sans être son ami. Le temps les avait positionnés comme connaissances, rivaux et maintenant... Plus ou moins collègues – par la force des choses. De là, leur relation n'avait pas bougé et se cantonnait à des lancers réguliers de piques et moqueries de deux côtés. Jackson savait que continuer était stupide, d'autant plus qu'il n'aimait pas ça : chaque fois qu'il le rabaissait, il se sentait affreusement stupide. Car même si ses mots n'atteignaient plus autant Stiles qu'autrefois, il continuait de voir cet éclair de douleur passer dans ses yeux de temps à autres. C'était léger, aussi léger que l'amertume qui s'immisçait brièvement dans son odeur, mais c'était là. Pourquoi continuer, alors ?

La réponse était simple.

- Peter fait ce que tu n'es pas capable de faire, railla-t-il en esquissa un rictus moqueur.

Très simple.

- Toi, je t'emmerde, grogna l'hyperactif en essayant, une fois de plus, d'échapper à Peter – sans succès.

Jackson sentit un regard peser sur lui, celui de son semblable qui pour cette fois, gardait le silence, mais arborait lui aussi ce sourire à la fois amusé et méprisant. Théo avait le chic pour se donner une apparence détestable, un rempart encore plus efficace que le mensonge.

- Ferme-la et laisse l'autre psychopathe s'occuper de toi tant qu'il est d'humeur à te laisser en vie, ajouta Whittemore d'un ton sec. Tu es usant à brailler sans arrêt.

- Bien que j'apprécie ton intervention, je tiens à souligner que le « psychopathe » n'était pas obligatoire, objecta Peter en fronçant légèrement les sourcils.

- N'est-ce pas ce que tu es ? Plaisanta Isaac.

- Je ne dirais pas les choses de cette manière.

Isaac rit et se rapprocha subrepticement de Jackson, allant jusqu'à poser une discrète main dans son dos tandis que le kanima se retenait de sortir une remarque supplémentaire alors que Stiles continuait de se débattre comme un diable pour éviter que Peter ne le désinfecte tout entier. Jackson tourna la tête vers le bouclé et croisa son regard, opina doucement du chef. Oui, il s'arrêtait pour cette fois, même si c'était dur – il avait aisément compris le message dans le petit geste d'Isaac, au courant de bien des choses le concernant. En fait, Lahey était au courant de cette manie qu'il avait de se montrer naturellement passif-agressif envers Stiles. C'était une espèce de seconde nature, de seconde peau...

... La seule technique qu'il avait trouvée pour continuer d'exister à ses yeux.

Break down the walls around youOù les histoires vivent. Découvrez maintenant