3. CHATON DANS LE VIVARIUM

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Valentino a laissé sa chemise choir à même le sol. Je la défroisse et instinctivement, je la respire : son parfum, le fumet de son corps, nos ébats... Comme un boomerang, toute la journée d'hier revient me percuter, je grimace. Bien que ma migraine s'estompe, je vais y aller pianissimo dans l'analyse des évènements de la veille.

Me donnant l'illusion d'une normalité, je plie la chemise et la range dans ma commode. J'enfile à la hâte un short et un un crop top. Une fois dans ma cuisine, alors que je me mets en quête de préparer quelques crudités et un verre d'eau, trois têtes poilues s'incrustent sur l'îlot central pour être nourries. Pas moyen de faire l'impasse, Oasis, Shadow et Styx, mes chats, montrent leur mécontent de trouver l'écuelle vide. Je m'exécute pour les servir, je suis leur esclave.

Ces gestes répétitifs, coutumiers, me bercent pour quelques minutes, loin de la réalité des dernières 24 heures que je boute en touche.

Trop rapidement à mon goût, je m'installe face à ma salade, sur la terrasse en bois délavé attenante à mon petit pavillon. Sous les rayons d'un soleil chaud, je contemple mes deux chats noirs chasser des lézards entre les dalles disjointes du jardin. L'herbe ne pousse déjà plus, une terre caillouteuse, un astre solaire toujours plus ardent et ce vent qui assèche tout... La venue d'un été qui s'annonce ardent, dévastateur, tout comme ce retour dans ma vie... Sigvald Askandar.

Souvenir, 12 ans plus tôt :

Angèlo s'était embrouillé pour une raison obscure avec les trois aînés de la famille, je l'avais donc récupéré à ma charge afin d'éviter un drame... Une période très malsaine pour les frères Ortéga.

Nous partagions une chambre miteuse d'un hôtel de passes. Mes études me coûtaient beaucoup d'argent. Oui, j'avais fait ce pari fou de réussir à décrocher un diplôme pour obtenir un travail décent. Et, nous sortir de là tous les deux. Alors, j'enchaînais des petits boulots les soirs.

N'étant que rarement présente, Angèlo, seul, s'enfonçait dans la drogue, devenant une loque de jour en jour... Bien-sûr, il me jurait qu'il allait se reprendre... Chaque jour, il me l'assurait... Chaque jour...

Ligotée dans la moiteur d'une nuit entamée depuis plusieurs heures, je rentrai hâtivement de mon job de serveuse. Les derniers clients du pub, de véritables poches à alcool, furent ramassés par les flics non sans heurts. J'avais profité de la présence policière pour éviter, pour ce soir, les caresses écœurantes de mon patron. Caresses que je ne repoussais jamais, la bile au bord des lèvres, je le laissais abuser de mon corps. L'argent de ce job m'était...Nous était vital.

Je pressai le pas. J'étais suivie ! Une voix grinçante m'interpela :

Tu t'es perdue poupée ?

Passant à l'offensive, ils furent bientôt à ma hauteur. Angèlo m'avait toujours répété qu'on ne devait jamais montrer sa peur. Jamais. Être provoquant pouvait même déstabiliser l'adversaire. J'étais devenue plus téméraire aux côtés des Ortéga, presque audacieuse quand cela s'avérait nécessaire.

Je n'avais clairement pas l'avantage, quatre hommes m'entouraient. J'avalai une grande lampée d'air vicié et grogna à celui qui venait de parler.

T'es une grande gueule devant tes potes. Mais arriveras-tu à me toucher sans leur aide ?

Quoi ?!

La surprise dans leurs regards, puis des rires et des insultes. Furieux, l'homme cracha :

Tu vas voir ce que tu vas prendre petite conne !

L'Etreinte des Murmures /\ Sous contrat d'édition. Elixyria Éditions~2024.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant