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« Et si c'était lui ». Jimin y pense tout le temps. Il observe le nouveau cuisinier, affairé par les poêles où gigotent des gambas. Sa peau noire est lumineuse sous le soleil de printemps. Jimin apprécierait sans doute le contraste avec la sienne, pâle comme un croissant de lune. Il observe sa nuque mince, ses épaules développées dans sa chemise aux couleurs de la maison Park. Un profil aiguisé, à la bouche généreuse, de grands yeux doux et sombres derrière une monture ronde en métal.

Et si c'était lui, son âme-sœur ? L'idée l'obsède. Il n'est pas dépourvu de charme, avec ses cheveux crépus revenus en arrière par un bandeau de couleur vive. Fallait-il initier un contact physique pour s'assurer de l'alchimie ? Allait-il recevoir une décharge électrique, son cœur allait-il s'arrêter ? Ce n'est pas un Homme loup : il n'est ni Alpha, ni Oméga, ni Béta. Ce n'est qu'un homme, et c'est ce qui lui a valu son esclavage, mais pour l'âme-sœur, Jimin passera au-delà des conventions et des classes, sa quête ne pouvait pas avoir de frontières.


« Môsieur Jimin ! Que faites-vous encore dans les cuisines ? Vous avez faim ?

- Oui ma bonne, je meurs de faim !

- Le fils Jimin est sorti de table il y a deux heures, ne le nourrissez pas trop. »


Jimin foudroie du regard ce nouvel arrivant, homme longiligne à l'air pincé, le veston toujours en place et au courant des moindres faits et gestes de la maison. Intendant en chef, il était toujours là pour l'empêcher de traîner avec les petites gens, ou de se gaver de la croûte épaisse des crème vanille qui refroidissait sur les bords de fenêtres. Il n'usait heureusement jamais de son ton de béta, ou de sa posture en présence de Jimin ; le petit brun était protégé par ses origines nobles et profitait souvent de cette position pour inverser les rôles.


« Ma bonne, tu ne préparais pas du gâteau au chocolat ?

- Si môssieur Jimin », elle se penche et son tablier baille sur sa poitrine généreuse, « j'ai même mis de côté pour vous.

- Merci ! »


Jimin offre son sourire le plus mielleux à l'intendant, parfait par sa voix aiguë, et observe la domestique lui préparer une assiette garnie de cookies et d'un grand verre de lait trait le matin même. Sa bonne était l'une des plus anciennes domestiques. Enlevée à ses terres, esclave sur l'île du Havre Vide, elle s'était cachée dans les cales d'un bateau et était sortie femme libre au port de Yosehn, avec une amie et son enfant. Jimin adorait écouter les histoires de son pays – qu'elle avait à peine connu, son accent chantant et les habitudes qu'elle avait gardé du Havre vide.


« Vous n'avez plus de leçon aujourd'hui môssieur Jimin ?

- Non, j'ai fini le piano, et ce matin le précepteur m'a exempté de devoirs. Je suis libre ! Mais je dois encore passer chez le tailleur, je voulais une nouvelle broderie sur mon costume. Vous savez, le noir avec le col serti de pierres ? Et puis j'irais déambuler au marché, vous avez besoin de quelque chose ?

- Vous savez que môssieur vôtre père n'aime pas que vous traîniez au marché ! »


Jimin sourit. Sa bonne était la première à savoir pour ses escapades en ville. C'est même elle qui envoyait le commis ou les jeunes domestiques l'accompagner – récemment, elle était allée jusqu'à désigner son fils comme son valet personnel et monsieur Park avait accepté. Jimin était adepte du déguisement, et avait fait le mur plus d'une fois pour danser dans les bars populaires de sa ville. Il aimait les chants, le rhum importé et les couleurs criardes qu'on y portait. Et pour rien au monde, il n'aurait voulu louper son âme-sœur. Les dîners et soirées de son père étaient bien trop rares pour espérer la rencontrer ! Il fallait être inventif, présent en toute circonstance, à l'affût.

𝑨𝒛𝒖𝒓𝒊𝒕𝒆 |YoonMin|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant