Deuxième partie

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Sept ans plus tôt,

Paris, France

C'était une matinée de juillet, il faisait encore frais, mais il ne fallait pas s'y tromper, les températures risquaient d'augmenter drastiquement au cours de la journée. Néanmoins, je n'aurais pas à m'en inquiéter avant plusieurs heures : lorsque le réveil sonna pour moi ce matin-là, le soleil n'était pas encore levé et il faisait franchement froid.

Comme tous les matins, j'avais une routine bien précise : d'abord le petit-déjeuner, puis j'enfilais des vêtements pour filer à la salle de sport juste au pied de mon immeuble qui ouvrait aux aurores, ensuite, lorsque j'y avais dépensé assez d'énergie pour la journée, je retournais chez moi pour prendre une douche rapide et m'habiller.

Ça devait faire quelques semaines que j'avais été embauchée – bon gré, mal gré – par la bijouterie de luxe qui employait mon frère. Le propriétaire était un ami de longue date de mon père alors, quand il lui avait dit qu'il lui manquait un employé au pied levé, mon père m'avait désigné sans même me consulter. Autant dire que je n'étais pas du tout ravie !

À cause de ce boulot de dernière minute, j'avais déjà dû renoncer à deux conférences auxquelles je voulais me rendre. Mais c'était un ordre et le contrat était déjà prêt alors je n'avais pas eu tellement le choix. Il fallait dire que pour eux, j'étais un bon choix : j'avais beau être à peine majeur et n'avoir aucune expérience dans la vente, j'étais jolie et j'étais polyglotte. Ils ne cherchaient visiblement rien de plus.

Quoi qu'il en fut, j'étais habillée et coiffée lorsque le téléphone bipa, indiquant que mon chauffeur – mon frère en réalité – était arrivé. Il vivait dans une banlieue chic près de Paris, et moi, j'étais toujours dans un des appartements parisiens de mon père, où je vivais seule et à quelques pas du centre névralgique des universités de la capitale. Nous avions convenu qu'il viendrait me chercher, qu'à défaut d'avoir envie de ce travail, je n'aurais pas à prendre les transports en commun : si mon anxiété face à la foule s'était apaisée au fil des ans, je n'en restais pas moins fragile dans les endroits bondés, surtout ceux où l'on pouvait faire de mauvaises rencontres.

Nous étions dans une bijouterie de grand luxe, petite, mais fournie, où les touristes fortunés venaient dépenser de rondelettes sommes d'argent qui n'en finissaient jamais de me sidérer.

Alors que je réarrangeais les bijoux que je venais de sortir pour un client très âgé, une collègue m'interpella. Si son ton était aimable, sa voix était crispée, comme à chaque fois qu'elle se trouvait face à un client qu'elle ne pouvait pas comprendre.

Par automatisme, je saluais les deux hommes avec une formule dans laquelle j'avais glissé trois des langues les plus récurrentes et qui, même lorsqu'il ne s'agissait pas de la bonne, faisait généralement son petit effet.

Néanmoins, cette fois-ci, les deux hommes restèrent de marbre et le plus âgé me répondit sur un ton sec. Il avait la voix râpeuse et s'exprimait en arabe, dans un dialecte que je ne pouvais identifier et que je ne parlais pas. Je comprenais à présent la nervosité de ma collègue. Je réfléchis, gardant un sourire aimable, puis décidait que s'ils avaient choisi de s'exprimer dans leur langue alors que nous ne pouvions visiblement pas la comprendre, c'est qu'ils ne devaient pas en parler d'autres. Il fallait alors que je redouble d'inventivité, sans pouvoir compter sur aucun de mes collègues qui faisaient semblant d'être occupés, même sans clients.

Je me penchais légèrement, cherchant alors sous le comptoir un catalogue qui nous servait d'information sur ce que nous vendions.

S'ensuivit ensuite l'échange le plus laborieux qu'il m'ait été donné d'avoir, puisque je tentais de baragouiner le peu de mots que je connaissais et qui me restaient d'un séjour au Maroc, en espérant que la langue soit suffisamment proche de la leur pour qu'il me comprenne.

Le chant des sirènes - 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant