Chapitre 1

121 5 31
                                    

L'abus d'élixir est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.

J'esquissai un sourire devant l'avertissement, inscrit en lettres capitales rouges au-dessus du comptoir du café. L'écriteau n'avait pas empêché encore un incident la veille. Un centaure avec une peine de cœur, qui avait descendu cinq thés d'apaisement (la spécialité du café) d'affilée. Bien-sûr, son corps n'a pas supporté le traitement : overdose, il a fini aux urgences. D'après Makab, qui était à la caisse à ce moment-là, il était devenu tout vert et tremblait de partout...

Mes yeux parcouraient les différentes affiches placardées sur les murs du café, en attendant qu'Al, l'alchimiste stagiaire qui bossait au café, finisse enfin le café à la sérénité qu'on avait commandé. Le client, un humain vieillissant, semblait s'impatienter de plus en plus. Je tapotai mes doigts sur le comptoir, signe universel pour dire à Al de bouger son joli popotin de dryade et de finir son élixir fissa, que je puisse aller le servir.

La porte de la cuisine s'ouvrit à la volée, et je me redressai, prête à récupérer la commande. Mon sourire s'affaissa tout d'un coup, pour être remplacé par une grimace de dégoût.

Ce n'était pas Al. C'était Arden. Mon insupportable collègue dont je rêvais depuis deux mois de plonger la tête dans les mixtures dégoûtantes d'Al. Monté comme une armoire à glace, il se sentait obligé d'exhiber sa musculature de garou à tout le monde en ne portant exclusivement que des habits trois fois trop petits pour lui. Sans doute pour compenser quelque chose...

Sa belle gueule arbora un grand sourire méprisant en me voyant.

– Alors, la sangsue, on se roule les pouces ?

– Va te faire foutre.

– Ouh, mais c'est qu'elle mordrait, la petite vampirounette !

Je retroussais les lèvres et fit sortir mes canines. Il recula d'un pas, et le visage froncé de dégoût. Je jubilai. Il détestait toujours autant que je fasse ça.

– Arrête de faire tes tours de passe-passe dégueulasses, on est dans un café !

– Pourquoi, tu as peur que je te morde ? T'inquiète pas, il n'y a aucune chance... J'ai aucune envie de m'intoxiquer avec ton sang de caniche consanguin.

Son visage vira au rouge et mon sourire s'agrandit. Je me préparai à nos habituelles joutes verbales, malheureusement, Al nous interrompit, en sortant de la cuisine les bras chargés de commandes. Elle nous lança un regard désapprobateur.

– Vous n'êtes pas en train de vous bouffer le nez, rassurez-moi ?

– Pas le moins du monde ! répondis-je, avec un sourire angélique.

Al nous observa un instant, avant de lever les yeux au ciel. Elle posa les commandes sur le comptoir.

– Allez vous remettre au boulot, il y a des clients qui attendent ! ordonna-t-elle, d'un ton las.

– Chef, oui, chef ! Ris-je, dans une mimique de salut militaire.

Al roula des yeux et disparut dans la cuisine. À peine la porte refermée, Arden me bourra d'un coup de coude pour accéder à ses commandes.

– Suce boules... lâcha-t-il.

– Trou du cul.

Sur cette insulte, je m'emparai des deux boissons que je devais servir et me dirigeai vers la terrasse. Non sans gratifier Arden d'un coup de pied dans le tibia. Son petit gémissement de douleur fut très satisfaisant. Parce que c'était bien mignon d'être un garou mâle alpha de mes fesses, mais je m'assurerai qu'il n'oublie pas que j'étais une demi-vampire, et qu'à ce titre, j'avais plus que largement la force de lui botter le cul.

Musique et élixirsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant