chapitre 4

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De nos jours, Edimbourg, Ecosse

Eilis

- Alors vous êtes en train de me dire que les deux frères que je vois sur cette peinture se sont battus à mort simplement pour le cœur d'une de mes ancêtres ? C'est si triste et... tragique.

Amy, la vieille femme qui m'a offert la tarte aux pommes, acquiesce.

- Après ce ne sont que des rumeurs. Personne ne sait vraiment si elle a fini par choisir l'un des deux frères ou non. Mais ce qui est certain, c'est qu'elle a fini par tomber enceinte de l'un d'entre eux, sinon vous ne seriez pas là aujourd'hui.

Je hoche la tête, pensive. Ça doit être tellement compliqué, de ne pas savoir vers qui son coeur balance. Je n'ai jamais eu ce souci : j'ai été en couple pendant trois ans durant le lycée et il m'a quitté lorsque nous sommes entrés à l'université pour « voir de nouvelles choses », ce qui se traduit littéralement par « sauter plus de filles ». Ça fait donc trois ans que je suis célibataire. Je suis toujours à l'université et je n'ai plus jamais eu de ses nouvelles. De toute manière, je ne m'en porte que mieux.

- Je vais vous laisser vous installer tranquillement, dit alors Amy. Je voulais simplement vous souhaiter la bienvenue. Et si jamais vous entendez des bruits la nuit, ne soyez pas surprise...

Je penche la tête sur le côté en fronçant les sourcils.

- Les gens du coin connaissent ce manoir. Certains disent qu'il serait hanté par les fantômes des frères Ritchie. Libre à quiconque d'y croire ou non.

Et c'est sur cette note énigmatique qu'elle me salue avant de quitter ma nouvelle demeure.

Une fois que le calme revient, je repose mon regard sur le portrait des deux frères. Ils paraissent pourtant s'aimer, sur cette peinture. Or, s'ils se battaient pour la même femme, je ne vois pas vraiment comment cela a pu être possible.

Ma peau se couvre à nouveau de frissons, alors qu'aucune porte n'est ouverte et qu'il n'y a donc aucune brise. J'enfile mon sweat-shirt et visite les autres pièces du ré de chaussé. Il y a une chambre en mauvais état, une salle qui semble être prévue pour faire des lessives, et ce qui ressemble à une salle de réception privée.

Je grimpe ensuite les escaliers couverts de poussière qui mènent au première étage, et je me sens comme propulsée plusieurs décennies en arrière. C'est fou comme tout semble d'époque, ici. Apparement, il a été construit en 1784. Ça remonte à loin.

Je pousse la première porte qui s'offre à moi, et remarque qu'il s'agit d'une chambre. Sûrement une chambre d'ami, car elle n'est pas spectaculairement grande. L'homme qui m'a donné les clés m'a dit que je serai surprise par la taille de la chambre principale.

Je pousse une autre porte, et découvre une salle de bain en mauvais état décorée dans les tons marron clair et mauve. C'est plutôt original, je dois dire. Mon ancêtre devait être une femme plutôt coquette.

Je découvre par la suite de ma visite trois autres chambres assez similaires, un dressing et une autre salle de bain. Je déduis donc que la dernière porte que je m'apprête à franchir est la chambre principale, et celle où je dormirai.

Et en poussant la porte, ma bouche s'entrouvre. Je tombe sur une pièce aux murs violet foncé et gris clair, immense, avec un lit tout aussi grand. Il y a des grandes fenêtres qui donnent une vue magnifique sur les montagnes qui entourent le manoir, et je peux également voir le brouillard qui recouvre Édimbourg aujourd'hui. C'est splendide.

Mais subitement, la porte claque brusquement et je sursaute en me tournant d'un coup.

- Il y a quelqu'un ? j'appelle.

C'est idiot, je sais pertinemment que personne ne me répondra.

- Malvina ?

Je me glace sur place. Malvina, c'est apparement le prénom de la femme pour qui les deux frères Ritchie se sont battus il y a plusieurs siècles.

- Qu... qui est là ? je demande en m'avançant très prudemment vers la porte.

Une fois que je l'attends, je l'ouvre brusquement mais rien, il n'y a personne. Je sors donc de la chambre, m'appuie contre le mur et ferme les yeux. Je n'ai pu qu'halluciner. Toute cette histoire de fantôme me monte à la tête et je commence à devenir parano.

En attendant que les battements de mon cœur ralentissent, je jette un coup d'œil au couloir austère qui m'entoure. Peut-être que je me sentirais mieux si je ne restais pas seule ici ?

Je compose donc le numéro de ma meilleure amie Ruby, et celle-ci décroche au bout de deux sonneries.

- Alors ! Tu as récupéré ton manoir ?? Je n'arrive pas à croire ce que je dis, un manoir bordel !

Ordinairement, j'aime beaucoup le ton passionné qu'elle prend pour la moindre chose. Mais là, j'ai besoin de sérieux.

- Dis-moi, tu serais dispo pour dormir avec moi dans le manoir ce soir ?

- Allo ?

- Tu m'entends ?

Des espèces de grésillements étranges retentissent dans le combiné et j'éloigne le téléphone de mon oreille tellement ça devient insupportable. Je fronce les sourcils.

- Ruby ?

Et le téléphone raccroche. Je le range en jurant. J'aurais dû me douter que dans un endroit si isolé et vieux, la connection internet serait mauvaise !

Tout en soupirant, je me dirige vers la première fenêtre que je vois pour l'ouvrir. Ça sent le renfermé ici, il va falloir que je m'occupe du ménage...

**

Deux heures plus tard, j'ai dépoussiéré une bonne partie de la maison. J'ai également parfumé les pièces et remis l'électricité en marche dans les pièces où ça ne passait plus.

Désormais, je bois tranquillement un coup sur la terrasse située à l'arrière du manoir. Elle donne directement sur la forêt qui grimpe le long de la falaise, mais heureusement quelques rayons de soleil passent au travers et viennent me réchauffer un minimum.

Malgré les petites frayeurs de ce matin, je suis contente d'être ici. Forcément, il va me falloir un certain temps d'adaptation, apprendre à vivre seule dans un si grand endroit, ça va me demander du temps ! Cependant, j'ai déjà réfléchi à ce que je pourrais faire : chambre d'hôte. Ça me permettrait de gagner un peu d'argent tout en pouvant assurer l'entretient du manoir par des professionnels. A condition que je ne me fasse pas tuer dans la nuit par un locataire psychopathe, bien évidemment.

Oui c'est décidé, demain j'irai mettre des annonces en ville. Il y a deux salles de bains, je peux en utiliser une pour moi et accueillir deux personnes qui se partageront la deuxième, je suppose.

Contente et fière d'avoir trouvé cette idée, je ferme les yeux et savoir les rares rayons de soleil de la journée.

Mais soudain, un bruit de verre qui se brise retentit et j'ouvre les yeux en sursaut. Le verre que j'étais en train de boire un peu plus tôt vient de tomber au sol et de se briser. Je regarde rapidement autour de moi, mais il n'y a personne. S'il y avait eu quelqu'un, il n'aurait pas eu le temps de se cacher. Alors je n'ai qu'à supposer que c'est le vent, et éviter de tomber dans cette paranoïa qui commence de plus en plus à grandir en moi et qui me dit que je ne suis pas tout à fait seule dans ce manoir...

Am(e)ourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant