In your dreams (Broken Souls t.1)

Chapitre 3 - Rencard

Mackenzie, janvier 2023

— Mackenzie Blake ! Est-ce que tu m'écoutes, au moins ?

Je soupire, excédée. Voilà deux heures que la conversation téléphonique tourne en boucle. Les sourcils froncés, j'essaye vainement de me concentrer sur ma tâche : la préparation de la première de couverture d'une cliente.

— Bien sûr que je t'écoute, mais je travaille surtout. Je croyais que tu n'en avais pas pour longtemps.

— Moi aussi, je le croyais, sauf que tu es plus bornée que prévu.

— Je n'irai pas à ce rencard à ta place, Sofyia Loïs.

Elle grogne tellement que Natsy, mon chat aussi flemmard que câlin, se redresse sur mon lit.

— Mais comment je fais pour savoir si c'est la bonne ? Ce n'est pas son profil Tinder qui va me le dire !

— Eh, bah tu n'avais qu'à éviter Tinder pour commencer, ce n'est pas comme si je ne t'avais pas prévenue. Si tu veux savoir, tu n'as qu'à te pointer à ce rendez-vous.

— Et s'il m'arrive quelque chose ? enchaîne Sofyia avec sa voix stridente insupportable. Imagine que c'est une tueuse en série, ou qu'elle mette quelque chose dans mon verre. Pire, Kenzie, imagine qu'elle ne soit pas comme sur ses photos ! Qu'elle ait menti et qu'elle soit déjà en couple.

— Tu as le même sens des priorités qu'Hermione, toi, me moqué-je gentiment en râlant sur mon logiciel de design et mon ordinateur lent à la détente. Tu sais quoi ? J'ai changé d'avis, si tu me payes un nouveau PC, je veux bien aller à ce rendez-vous à ta place.

Bah quoi... Qui ne tente rien n'a rien, non ?

— Là, tu rêves ma chérie.

Je lève les yeux au ciel, un sourire aux lèvres. Sofyia continue de me baragouiner à l'oreille, sans que je n'écoute la moitié de ses arguments, jusqu'à ce qu'elle finisse par abandonner le combat.

— D'accord, d'accord, je vais y aller comme une grande fille bien confiante et pleine d'assurance. Et toi, qu'est-ce que tu as prévu de plus intéressant ?

— Tu veux dire, mise à part terminer la couverture que tu m'empêches de faire depuis 2 heures ?

— Kenzie, on est samedi soir, tu ne devrais pas bosser.

Une bonne quinzaine de minutes plus tard, Sofyia finit par raccrocher, paniquée à l'idée de ne pas avoir assez de temps pour se préparer, et après m'avoir fait juré de répondre si elle m'appelait.

Je ne réponds jamais au téléphone, en temps normal. Même quand ça sonne devant mes yeux et que je suis disponible. Même quand c'est ma propre mère. Je rappelle, éventuellement, mais ne décroche pas.

Il me faut du temps pour me préparer à un appel téléphonique. Du temps pour que les battements de mon cœur s'apaisent, que mon esprit se répète que « quoi que ce soit, tout va bien se passer, tu vas gérer » et que je trouve un courage qui ne m'appartient pas. La seule exception à cette règle très stricte est lorsque Sofyia sort avec des inconnus. Mon inquiétude pour elle et notre amitié surpassent toutes mes angoisses, bien que ça ait pris du temps.

Surtout après elle. Et lui.

Un bon thé noir dans les mains, de la musique dans les oreilles, je me lance enfin pleinement dans mon travail. Lorsque je me plonge dedans, le temps n'importe plus, si bien qu'une fois la couverture finie, je réalise que plus de trois heures sont passées. La quatrième est également prête, et je suis assez fière du résultat. J'espère que cela plaira à l'autrice. Lundi matin, je vérifierai que tout est bon, et la lui enverrai.