Féheries

Chapitre 1.2 : Almeradiel

J'observe aux alentours, on dirait que nous sommes dans une salle de réception, la lumière est chaude, il y a un parquet brun ciré sous nos pieds, et même notre petit groupe paraît minuscule dans cet espace.

Une grande dame élégante arrive, elle a un tailleur gris à rayures, je n'ai jamais rien vu de tel. Un vêtement humain. Un véritable vêtement humain.

Ses cheveux sont d'un brun chocolat, attachés dans un chignon soigné tandis qu'un rouge à lèvre bordeaux est peint sur ses lèvres. Je n'ai jamais vu de femme aussi apprêtée de ma vie, elle serait sûrement très jolie si elle détendait ses sourcils froncés.

— Bonsoir à tous ! Je suis Grâce Melinda, elle sourit en s'éclaircissant la gorge, Mme Melinda, je suis la directrice de ces lieux.

Elle nous regarde tous sans réellement s'attarder avant de reprendre,
— Tout d'abord, je vous souhaite la bienvenue à Almeradiel, j'espère que cet établissement vous fera grandir et vous apprendra à vous surpasser. Je sais que la route a été longue, alors Brett et Stan, elle fait signe à deux hommes et je reconnais le chauffeur et le goujat qui m'ont accueilli tout à l'heure. Ils vont vous accompagner dans les chambres qu'on vous a administrées. Demain, vous pourrez découvrir le domaine avant le bal du soir destiné à fêter dignement la rentrée. Après cela, vous commencerez officiellement vos cours et votre année dans notre académie. Bonne nuit à tous, vos tenues vous attendent dans votre chambre.

Tenue ?
Merci seigneur des quatre royaumes de Kirin

Je ne me voyais pas commencer ma première journée avec ce pantalon, le sang a coagulé puis a durci et le jean est maintenant dur comme de la pierre autour de mon genou. Ma chemise fluide, quant à elle, est plus proche du noir que du blanc au vue des nombreuses années que je la possède, à traîner dans les écuries ou effectuer les tâches de l'orphelinat.

Je ricane à ma propre réflexion, seulement trois minutes que je suis ici et je fais déjà la difficile.

Grâce Melinda disparaît, suivit de près par les deux hommes en uniforme noir, le même que celui qu'arbore Brett et Stan. La tenue des soldats du royaume probablement.

On repart sur nos pas, jusqu'au hall puis à l'extérieur. Nous traversons la cour, jusqu'à arriver dans une autre partie du château. Les rangées de fenêtres montent encore plus haut que le bâtiment précédent, au moins cinq étages.

— Allons-y, c'est par ici, s'exclame Stan ou Brett, celui qui conduisait le bus.

Nous montons quelques marches avant d'arriver dans une nouvelle pièce sous haut plafond. Une grande cuisine tout en pierre nous fait face, il y a le four, le plus gros que je n'ai jamais vu, mais nous ne nous attardons pas assez pour que je puisse le voir de plus près. Je cuisinais à l'orphelinat, je crois que j'aimais ça, en tout cas, c'est la première chose que je vois qui me rappelle la maison.

Maison. Je n'aurais jamais cru qualifier un jour l'orphelinat de maison. Cela témoigne de mon degré de fatigue et de faim.

Est-ce qu'ils vont nous donner à manger ou comptent-ils nous laisser mourir de faim ?
Je fais la fine bouche alors que la faim n'a aucun secret pour moi. Il m'est arrivé de me faire enfermer dans une cave durant plusieurs jours sans manger ni boire. Mère Parla me retrouvait généralement trop tard. J'étais dans un état second, entre la perte de connaissance et le malaise.

Brett et Stan finissent par s'arrêter et divisent notre groupe en deux, le goujat appelle une dizaine de personnes, mais je ne suis pas dedans. Je me retrouve dans le groupe avec le chauffeur, et on le suit à travers plusieurs escaliers, arrivés à l'étage quatre, où peut-être cinq, il s'arrête et nous regarde en sortant une liste.