CHAPITRE V : LA GRENADINE

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C'est samedi. Xavier a prétendu aller rejoindre des amis en ville, comme il le fait souvent, pour fuir sa maison et ses parents. Non pas qu'il n'aime pas sa famille – même si ce ne sont pas non plus ses meilleurs amis. Mais il a surtout mieux à faire. Aujourd'hui a lieu un événement. Une réunion qu'il a repérée il y a maintenant deux semaines. Les bassines percées se regroupent pour échanger. Et, sur Facebook, c'était marqué « ouvert aux nouveaux ». Alors Xavier a décidé d'y aller.

C'était dans un bar, un de ceux qui sont en plein centre-ville, qu'il connaît un peu pour y être allé à plusieurs reprises : le Saint-Louis. À l'intérieur, au milieu des murs en pierre de taille, un portrait – une copie, en fait – de Saint-Louis, sous son fameux chêne.

Arrivé devant, au milieu de la place pavée, il sent une petite boule grossir au milieu de son ventre. Et si ce n'est pas ce à quoi il s'attend ? Et si les personnes qui y sont se trouvent ne pas être aussi avenantes que ce qu'elles ne paraissent ?

Non. Xavier. Ce n'est plus le moment, c'est trop tard pour faire demi-tour. La bassine, elle sera là où tu as grandi, et il n'en est pas question. Alors voilà : il pousse la porte en bois. À l'intérieur, la moitié des tables est vide, mais, derrière un pilier en pierres, à peine une dizaine de personnes est réunie. De dos, il croit discerner Léon. En face, c'est clairement Pauline, qui sirote... une bière ! À côté, Madeleine, elle aussi avec une bière.

Il s'avance, timidement, à pas rapprochés, presque à reculons. C'est le genre de moment pendant lequel il ne sait pas quoi faire. Est-ce qu'il doit simplement s'installer à une table, se présenter avant avec un coucou général ? Il est encore temps de faire demi-tour, se dit-il, personne ne semble l'avoir vu.

C'est justement à ce moment que le regard de Pauline croise le sien, et s'arrête dans ses yeux bleus clair. Ses yeux gris l'interrogent, trahissant mal sa surprise. Il lui répond par un geste de surprise mélangé à de légère confusion. Elle lui fait un signe de tête, lui signifiant qu'il ferait bien de se présenter. Geste intercepté par Léon, qui se retourne presque aussitôt. Son visage est d'abord interrogateur, avant qu'un sourire n'apparaisse.

« Oh, c'est toi ! » Il se retourne vers la tablée. « Je vous présente... Euh en fait je ne sais pas comment il s'appelle. On va l'appeler Joli Coeur, il vient du lycée Saint-Jean-et-Jacques, et il a l'air plutôt sympa. » Voilà qui est une bonne manière de le présenter, se dit Xavier. Léon lui fait signe de s'asseoir, sur une chaise libre en bout de table.

« Euh... bonjour, marmonne-t-il, timidement. Je m'appelle Xavier et euh... je viens du lycée Saint-Jean-et-Jacques, comme Pauline et Madeleine.

– Cool ! Réagit un garçon brun à côté. Moi, c'est Achille. Et là, tu as donc Pauline, Mélina, Kayla, Léon, Ahmed et Ferah. »

Xavier fit un salut de la tête. « Je ne me souviendrai jamais de tout le monde.

– Bon, tu bois quoi ? Demande Léon.

– Une grenadine, s'il te plaît.

Il pouffe, d'autres sourires s'affichent sur les têtes des autres. « Sérieux ? » Xavier hoche la tête. « Ok, comme tu veux. » Il se tourne vers le comptoir pour demander une grenadine à la serveuse, une jeune femme rousse, au visage potelé.

« Bon, on venait juste de finir de présenter Ahmed et Madeleine, de nouveaux arrivés. Toi, pourquoi t'es là ? » Léon arbore un ton légèrement directif, un peu vif.

Xavier est pris au dépourvu. Une présentation, sincèrement ? Il ne voulait pas un CV non plus ?

« C'est important de se connaître, pour avoir confiance envers les autres », tente de le rassurer Pauline, installée dans un coin de table, à l'angle des murs en pierre. Au-dessus d'elle, une étagère avec un faux buste de Louis XV.

L'orage arc-en-cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant