CHAPITRE IV : LES DÉBATS

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On lâche rien ! Préparez des seaux et des arrosoirs, on va les (dé)construire les réserves. Sur le tract que Xavier vient de récupérer à l'entrée du lycée, il y a tout ce qu'il faut pour rejoindre la prochaine manifestation. Alors il le donne à Dan qu'il croise dans le hall d'entrée, avec Pauline et Madeleine, la fille aux Doc Martins. Il a appris son prénom quelques jours après la manifestation, en parlant avec Pauline.

« Merci, mais j'en ai déjà un, sourit alors le grand châtain. Garde-le, comme ça tu sais où venir nous rejoindre. »

– J'ai jamais fait de manif, c'est pas maintenant que je vais commencer... » lâche Xavier.

« Tu n'as jamais fait de manif ? Pour de vrai ? »

Dan a laissé tomber son traditionnel sourire qui lui barre le visage pour une bouche ronde et grande ouverte. « Même pour les retraites l'année dernière ? Genre pas du tout ? »

– Euh non. Non. Jamais »

– Mais il faut t'apprendre ! T'en penses quoi Pauline, on va lui apprendre hein ?

– Laisse-le, il nous rejoindra quand il le voudra. Et s'il le veut »

Il n'ose pas la remercier.

Xavier a pourtant bien envie de se lancer. Il a un peu peur, évidemment. Il n'a jamais fait partie d'une foule qui arpente la rue pour défendre ses opinions. Une partie de son esprit, celui qui réfléchit, trop parfois, lui intime de rester sagement en classe. D'autant que le baccalauréat approche. Ce serait en effet ce qu'il y a de plus raisonnable, un bon moyen de ne pas se mouiller. Mais quand il écoute plus profondément, ce que son instinct lui dicte, c'est de se lancer. Comme réflexe de défense, comme mouvement reptilien, comme acte de bravoure.

Avant de trancher, il ferait bien d'en parler à Julien ou Boris. Il ne peut pas y aller sans eux, ou en tout cas sans leur en parler. Une petite voix dans sa tête sait qu'ils ne le suivront pas. Ils sont bien trop rigides pour se lancer dans une manif. Et puis Xavier a bien déjà tenté de leur parler timidement du projet, qu'il concerne le village d'où sa famille puise ses racines, mais il n'y avait rien à faire : ils n'avaient même pas eu l'air de s'intéresser aux retenues de substitution, les fameuses bassines concernées.

La première que Xavier leur en avait glissé un mot, c'était le surlendemain de la manifestation. Il avait croisé Pauline et ses amis, et ils parlaient de la manifestation, eux en lui disant à quel point ils étaient ravis, même si persuadés que finalement ça n'avait pas changé grand-chose aux projets. C'est à ce moment que Julien et Boris sont arrivés et qu'ils ont tenté de rejoindre la conversation. Mais quand ils en ont perçu la teneur, une moue s'est formée sur leurs deux visages, de manière symétrique : heureusement que Julien est brun et Boris blond, sinon on pourrait avoir l'impression qu'ils sont jumeaux.

Peu de temps après cette première conversation, Xavier a tenté de remettre le sujet sur la table. En croisant une affiche du mouvement anti-bassines, il a glissé que le projet se tient à la Foye-Pédricourt, et que, lui, ça le touche, à cause de son histoire familiale. Mais Julien et Boris ont vite détourné le regard et changé de thème de conversation pour parler du dernier coup de cœur de Boris : Maëva, une fille de terminale C. En plus, Xavier se demande bien ce qu'ils lui trouvent, à Maëva.

Xavier en aussi parlé à ses parents. C'était deux jours après la manifestation qui était passée devant son lycée. Le sujet était simplement venu sur la table, un soir, au moment du dessert. Ses parents parlaient d'organiser un weekend en juin, à la Foye-Pédicourt, avec tous les cousins. Ce sera l'anniversaire de son cousin, Basile, et ce sera donc l'occasion de réunir tout le monde.

« Justement, en parlant de chez papy et mamie. Tu as vu que la bassine, c'était au bout de leur route ? Je suis sûr qu'on la verra depuis le jardin.

L'orage arc-en-cielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant