Ce samedi, le rendez-vous est à nouveau donné au Saint-Louis, à 15h. Xavier y arrive légèrement en retard, ce qui n'est pas vraiment une habitude chez lui. Mais cette fois-ci, il a pris un peu de temps pour s'habiller, ce qui l'a fait rater le bus. Il a donc dû sortir son vélo du garage, celui d'après ne passait qu'une demi-heure plus tard.
Il rentre dans le bar qu'il connaît désormais, le visage chaud d'avoir pédalé. Il reconnaît tout de suite Pauline. À côté, Léon boit un grand café. Il y a aussi Madeleine, Kayla et Ahmed. Moins de monde que la dernière fois. Xavier prend une chaise et s'installe sur un coin de table, en saluant tout le monde d'un geste de la main.
Il commande une grenadine (« Sérieux ? » l'interpelle Léon) puis écoute. Léon expose l'objet de la réunion : il appris cette semaine la date de la prochaine mobilisation. Elle sera le 29 mai. Cela laisse plus de trois mois pour se préparer, parce qu'ils annoncent un gros truc, avec des gens de partout en France. Le groupe des Bassines percées doit essayer de convaincre les jeunes de rejoindre le mouvement. Les actions de collage et de tractage sont prévues, et il faudra s'organiser.
Xavier a beaucoup de mal à se situer dans ce mouvement, et il est confronté tout de suite à ses contradictions. Il n'est pas à l'aise dans ce discours révolutionnaire, ça n'a jamais été son milieu. D'un autre côté, il trouve très grisante l'énergie collective qui se dégage de ces discussions. Il est tiraillé : non, le projet de gros trou dans la terre qui défigure un paysage ne lui convient pas, mais cette forme confrontation radicale, presque capricieuse, lui inspire une forme de rejet. Qu'importe son inconfort, maintenant qu'il y est, il y reste.
Vers 17h, les discussions prennent fin. Léon annonce qu'il faudra se revoir dans des lieux privés pour ce qui concerne les prochains événements. « On est jamais trop prudents », estime-t-il.
Tout le monde se rhabille pour sortir et, alors que Pauline cale son écharpe autour de son cou, elle attrape Xavier au vol.
« Tu viens chez Julien ce soir ?
– Ouais. Je m'en vais lui acheter son cadeau là. Tu y vas aussi ? S'étonne Xavier.
– Oui... Il faut que je repasse chez moi me changer, mais Océane m'a invitée. »
Xavier est tout de suite moins étonné : Julien n'aurait jamais invité de son propre chef Pauline. Océane est une de ses amies, et la drague ostensiblement depuis quelques semaines. Visiblement, elle a posé ses conditions pour venir : être accompagnée d'une amie.
« Je me suis dévouée pour y aller. Comme je te connais, je me suis dit que je serai la moins gênée. Mais hors de question que je ramène un cadeau à ce trou duc. »
Il est de notoriété publique qu'elle n'aime pas Julien. Et c'est vrai que leurs personnalités n'ont rien à voir. Surtout, son côté féministe ne peut pas être raccord avec celui un peu macho de Julien, d'autant plus qu'il a été impliqué dans le harcèlement d'une amie d'enfance de Pauline, Aurora. Il n'y a pas participé activement, d'après ce que Xavier sait, mais n'a pas non plus bougé pour que cela cesse.
Pauline le salue et franchit la porte, heurtée par le vent froid de cette fin février.
« Xavier ! Dis, tu fais quoi, là maintenant ? »
C'est Léon qui le retient à son tour, son écharpe à moitié enroulée autour de son cou, une partie rasant le sol derrière son dos.
« Euh, je dois passer à la librairie. J'ai un cadeau d'anniversaire à acheter pour ce soir.
– Ah... Ok, donc pas dispo pour boire un verre ?
– Non, pas vraiment. »
Devant l'échec de cette conversation, Xavier s'apprête à sortir avant que Léon ne le relance.
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L'orage arc-en-ciel
Romance« C'est pas avec un 14 que t'iras en prépa ! » D'habitude, Xavier est un très bon élève dans son lycée privé, poussé par des parents exigeants. Mais « Papa est un con » et son village d'origine est promis à un chantier agro-industriel controversé. T...
