Porte 203

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Je cours à toute vitesse à ma chambre pour déposer mon sac et reviens dans le salon. Papa est encore scotché au divan devant la télé et ma mère se verse un verre de vin rouge.

Moi: Je m'en vais chez Étienne, ne m'attendez pas pour manger!

Je m'apprête déjà à refermer la porte d'entrée mais ma mère me retient:

Maman: Hé pas si vite! C'est qui ce Étienne? J'en ai jamais entendu parler!

Moi: C'est un de mes amis à l'école. Il m'a invitée chez lui après les cours, je passais juste à la maison pour vous le dire. Bye!!

Avant qu'elle ne puisse dire un mot de plus, je file hors de la maison et commence à marcher vers chez Étienne. Ça me fait tellement du bien de prendre une pause de ma famille parfois! Je me demande toujours comment ce sera chez lui. Je me mets une fois de plus à divaguer et à imaginer toutes sortes d'habitations, toutes plus cools les unes que les autres! Et si sa cour arrière était aussi grande qu'un terrain de football? Et s'il avait une piscine intérieure? Et s'il faisait le parcours entre sa chambre et la cuisine en glissant dans un tube géant? Et si et si et si... J'arrive finalement à l'adresse qu'il m'avait donnée. C'est un bloc appartement. Je le vois assis sur l'escalier de devant. Dès qu'il m'aperçoit, il sourit, se lève et me rejoint.

Étienne: Salut!

Moi: Coucou! Tu ne m'as pas attendue trop longtemps j'espère?

Étienne: Pas du tout, je venais à peine de m'asseoir.

Tout en placotant, nous nous rendons au deuxième étage à l'intérieur du bloc. Il en compte trois en tout, plus le sous-sol.

Porte 203. Elle n'est pas barrée. Nous entrons. Il n'y a personne. L'espace est très retreint. La première chose que je vois est la cuisine. De la vaisselle sale s'empile sur le comptoir et dans le lavabo, et les électros semblent dater d'il y a 40 ans. La table est encombrée de trucs divers: un porte-clés, quelques stylos, des factures. Le salon/salle à manger est tout aussi en désordre. Étienne m'entraîne rapidement vers sa chambre, puis referme la porte derrière lui. 

Étienne: Veux-tu quelque chose à boire? Est-ce que t'as faim? 

Moi: Non merci, ça va. 

Sa chambre est très petite. Les murs blancs sont très peu décorés. Une commode, une table, une chaise et un matelas posé au sol meublent l'espace. Après quelques secondes de silence, il ouvre son ordinateur portable. 

Étienne: Tu veux jouer à quelque chose?

Moi: Ouais!

Je m'assois sur une chaise qu'il est allé chercher dans la cuisine et qu'il a placé à côté de la sienne. Nous trouvons un jeu qui se joue à deux, puis nous bavardons un peu. J'entame un sujet plus sérieux. 

Moi: Tes parents sont pas là?

Étienne: Je vis qu'avec ma mère. Elle travaille beaucoup, elle rentre tard. Je la voie juste avant d'aller me coucher, je fais mes repas tout seul. 

Moi: ...et ton père...?

Étienne: Il est parti quand j'avais deux ans. Je n'ai aucun souvenir de lui. Ma mère n'aime pas que je dise ça, parce que techniquement ce n'est pas vrai, mais je ne l'ai jamais réellement connu. 

Moi: Ah... désolée...

Étienne: T'inquiète, c'est pas grave. 

Je me sens triste pour lui. Je ne suis visiblement pas la seule qui a des problèmes familiaux... 

Moi: Tu sais, parfois j'ai l'impression de moi-même ne pas connaître ma famille, malgré le fait que j'ai grandi avec eux.

Étienne: Qu'est-ce que tu veux dire?

Moi: Eh bien... J'ai un grand-frère, J-F. Jean-François. Il n'a que trois ans de plus que nous et même si je partage de bons souvenirs avec lui, souvent il réfléchit d'une façon tellement différente de la mienne! Il prend des décisions sur un coup de tête, c'est comme s'il était né d'autres parents tellement nous sommes différents!

Étienne rigole un peu, puis me questionne à son tour sur mes parents.

Étienne: Ta mère et ton père, ils sont comment?

Moi: Oh, eux... Ils sont saoûls la plupart du temps. Parfois ils oublient de faire l'épicerie, ou de simplement soigner leur apparence lorsqu'ils rencontrent des gens. Je ne converse pas trop avec eux. Ils font parfois des efforts pour s'intéresser à ma vie, mais je sais que c'est plus pour eux que pour moi.

Étienne: Comment ça, plus pour eux que pour toi?

Moi: Bah, ils me posent des questions pour cocher la case «s'intéresser à son enfant» sur leur liste de tâches à faire lorsqu'on est parent.

Étienne sourit, mais je vois dans ses yeux qu'il a l'air sincèrement d'avoir de l'empathie. Ça me fait du bien. Nos situations sont différentes, mais difficiles. J'ai l'impression d'avoir enfin trouvé quelqu'un qui me comprend, et qui ne me prend pas en pitié. Enfin, un ami. 

Pour changer de sujet, je suggère que l'on commence nos devoirs. Il m'aide beaucoup avec mon anglais, matière dans laquelle j'ai toujours eu de la difficulté! En contrepartie, je l'aide avec ses maths. On forme une belle équipe!

Je quitte son appartement avant l'heure du souper. Je le remercie, il me raccompagne jusqu'en bas. Je marche le coeur léger, ayant déjà hâte de le retrouver demain à l'école.


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⏰ Dernière mise à jour : Jun 13, 2020 ⏰

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Volcan (d'émotions)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant