31. Brittany

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Ma mère entre dans ma chambre pour m'annoncer qu'il est temps de me peser. Je me lève en silence et je la suis.

— Un jour, tu me remercieras, tu seras une Black et tu sauveras notre famille, Britty, me dit-elle.

— Je l'espère, maman.

— Tu as pensé à te marier avec Akeem, histoire que s'il devient un Black, tu le deviennes aussi ? Il faut qu'on mette toutes les chances de notre côté.

— Je suis déjà sa Potiche, mais c'est prévu, vous en parlerez avec lui, il va venir, il m'a envoyé un texto.

— Très bien.

Je me dirige vers la salle de bain où ma petite sœur se tient sur la balance. Mon père note son poids dans un carnet. L'angoisse est visible sur le visage de ma sœur. Je suis fatiguée de cette vie.

— C'est à ton tour, Britty.

— Papa... je...

— Monte sur la balance, voyons, insiste-t-il en me tirant par le bras.

Je me tiens devant la balance, et une tension palpable envahit la salle de bain. Le silence est presque assourdissant, rompu seulement par le tic-tac de l'horloge murale. Les lumières blanches et froides au plafond accentuent l'aspect clinique de la pièce, révélant chaque détail de mon corps sous un éclairage impitoyable.

Je monte sur la balance et mon cœur s'arrête de battre. Je fixe le miroir, à travers je vois mon père, cet homme grand et imposant, observer attentivement les chiffres sur l'écran de la balance électronique. Ma mère, toujours préoccupée par l'avenir de notre famille, ne détache pas son regard de moi, exprimant à la fois sa fierté et son anxiété.

Je tente un rapide coup d'œil vers ma sœur, qui est assise sur le bord de la baignoire, les larmes aux yeux. Son expression trahit sa propre peur, sa propre lutte pour atteindre un poids idéal qui semble insaisissable. Les marques de stress sur son visage sont évidentes, et je ressens une profonde empathie pour elle.

Je ferme les yeux pour retenir mes larmes et ne pas voir combien je pèse.

— Combien elle pèse, chéri ? demande ma mère, curieusement.

— 47 kilos, il me semble. Oui, c'est bien cela ! 47kg pour un mètre soixante-quinze, c'est le poids des top models, Britty ! Je suis tellement fière de toi, ma fille. Tu es resplendissante.

Tout le monde crit de joie comme si j'avais obtenu mon diplôme avec les félicitations du jury. J'imagine que mon père va acheter une bouteille de champagne pour l'occasion. C'est barbant.

En rouvrant les yeux, je fixe le miroir qui me renvoie une vision décharnée de moi-même. Mes côtes saillent sous ma peau pâle, et mes bras sont presque squelettiques. Mon corps est devenu une machine à maintenir un chiffre, le nombre magique de 47 kilos. Pourtant, malgré les louanges de mon père, je me sens loin d'être "resplendissante."

La pression pour maintenir ce poids parfait jusqu'aux prochaines sélections est écrasante. Mon estime de moi-même est en jeu, tout comme la réputation de notre famille. Cette salle de bain est devenue le théâtre silencieux de notre obsession commune pour la perfection, un lieu où chaque gramme compte, et où le poids de mes responsabilités familiales pèse lourdement sur moi.

— J'espère que ça restera comme ça, tu dois devenir et rester Black, commença ma mère en reprenant son sérieux, ne suis pas le même chemin que Cassidy Smith, cette fille est trop sotte ! Après je trouve que c'est bien fait pour elle, je trouvais que ses parents étaient un peu trop extravagants, ils manquaient de classe. Ils aimaient bien se vanter et ça donnait mal à la tête. Les pauvres quand leur fille a été rétrogradée, ils ont failli mourir. A ce qu'il parait, ils l'auraient tabassé à mort, la pauvre petite. Ils l'ont reniée et pendant des semaines, elle vivait dans la rue. J'crois même qu'elle s'est prostituée, ça reste à prouver. Ses parents sont devenus son pire cauchemar... Brittany, ne nous oblige pas à l'être nous aussi, dit ma mère d'une voix grave.

— Ne vous en faites pas.

La sonnette de l'entrée retentit.

— Habille-toi, Britty, va accueillir ton futur mari, le Black, dit mon père.

— Et j'oubliais de te remercier concernant le scoop que tu m'as donné sur Kamëlya Williams, je suis fière de toi, ma fille, dit ma mère. Ashley, tu devrais prendre exemple sur ta sœur, elle au moins elle sert à quelque chose ! 


***


Akeem m'embrasse à plein poumon et je ferme les yeux. J'essaye de penser à autre chose pendant qu'il me fait l'amour. De toute manière, ça à toujours été comme ça.

— J'ai l'impression que t'es pas avec moi, ça va ?

— Ouais, ne t'en fais pas.

— J'espère bien, il ne faudrait pas que je te trouve une remplaçante. Elles veulent toutes être ma petite copine, tu sais ? Tu n'imagines pas la chance que tu as d'être dans mes bras, poupée.

— Je le sais. Je pensais juste à la conversation que j'ai eu avec...

— Tu parles de la journaliste, Tiffany Stephens ? On sait très bien qu'elle veut des infos pour son journal, elle pense qu'on connaît la Black, j'trouve qu'elle perd son temps avec nous.

— Et si on connaissait Kamëlya ? Tu sais, bébé, il y a des rumeurs qui disent qu'elle est originaire de Castle Moon. Peut-être qu'elle n'avait pas cette apparence...

— T'as missionné Warren sur l'affaire, il t'a trouvé des pistes au moins ? Parce que je pense plutôt qu'il a été séduire la Black, il pense à son avenir, hein...

— Il m'a parlé d'une cicatrice, dis-je pensive. Et lorsque j'ai abordé sa cicatrice, elle a complètement pété un plombs.

— La seule personne que je connaissais qui avait une cicatrice, c'était Mary....

Mon téléphone se met à sonner stoppant notre conversation.

— Qui t'appelle à cette heure ? demanda Akeem en se décalant vers la gauche.

Je récupère mon portable et lis le prénom de Warren.

— Warren, lis-je à voix haute.

— Il te veut quoi ? Mets haut-parleur.

— D'accord, dis-je en décrochant. Allô ?

Rien. Seulement les grillons.

— Warren ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Il raccroche.

— Bébé, il se passe quelque chose de bizarre, dis-je à Akeem.

— Il a dû se tromper de numéro. Bon, on reprend ?

— Attends, laisse-moi réfléchir.

— A quel sujet ? On était en train de faire l'amour, je te rappelle, reprenons, dit-il en montant sur moi.

— Je n'en ai pas envie, Akeem.

— Ah ouais ? Figure-toi que j'en ai envie, Britty, dit-il avant de m'embrasser.

BrisésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant