Tandis que le soleil s'évaporait dans un dernier éclat, la mystérieuse lueur bleue fit de nouveau son apparition. Son aura douce et étouffée ne pouvait rivaliser avec celles des deux astres, mais me procurait néanmoins un sentiment d'apaisement que seule la Pleine Lune pouvait égaler : face à ce soleil orangé en partie disparu, la lueur était apaisante. Trop haute pour être pleinement visible, elle provenait du point culminant d'une montagne au centre d'une forêt si vaste et embrumée qu'il s'agissait d'un véritable dédale. Se manifestant par une sorte de brouillard relativement faible et bleuâtre, elle n'était au crépuscule que très peu perceptible mais s'intensifiait à mesure que les rayons du soleil s'estompaient, particulièrement en ces nuits proches de la Nouvelle Lune.
Au cœur de cette sinistre forêt qui par cette heure commençait à s'endormir, la solitude s'installait. Aucune âme saine d'esprit ne souhaitait perturber la sérénité de ce lieu tant elle était pesante. Toutefois, certaines s'y risquaient. Mais si peu que la seule présence était celle des âmes égarées qui se confondaient aux arbres feuillus, à travers une fine brume.
Je n'avais qu'à poser le regard sur celles-ci pour qu'elles se révèlent être de simples arbustes. Je sentais cependant leur regard, plus oppressant encore que ce silence depuis mon entrée dans cette forêt. J'ignorais l'heure de mon départ, ainsi que, étonnamment, le lieu duquel j'étais parti. Ce dont j'étais certain, c'est que je me trouvais dans ces bois depuis des heures, dans le seul but de rentrer chez moi. Des heures entières à guetter le ciel périodiquement, craignant que la nuit n'arrive avant moi, car à ce moment, même ma rapière attachée à ma ceinture ne me protégerait plus de rien. L'apparition de la lueur me permit d'estimer le temps qu'il me restait avant de me retrouver dans l'obscurité totale : une heure. Ce qui était de mauvais augure : je me rapprochais certes de notre maison, mais la nuit aussi.
Ce ciel sans étoile sous lequel la vie s'assoupissait s'étendait déjà à l'horizon et se rapprochait au fil du temps. La clarté du jour disparaissait, et laissa lentement les arbres ne devenir que des ombres menaçantes. Ainsi, l'air devint rapidement froid. Je frissonnais. Rentrer. Je n'avais désormais que ce mot en tête. Lorsque j'avais l'esprit ailleurs, je parvenais à oublier cette anxiété. Je rêvassais parfois. Du moins, jusqu'à ce qu'un vent glacial me fasse revenir à la réalité. J'étais seul.
Au loin, dans ce qui me semblait être une simple illusion, une nouvelle lueur émergea. Elle vacillait de la même manière qu'un pendule l'aurait fait, quand bien même le temps ici était si lent qu'il paraissait figé. C'était une lanterne ; je n'étais pas seul. Cela me parut si étrange que mon angoisse s'accentua. D'ordinaire, aucune âme n'osait pénétrer dans cette forêt de peur de s'égarer. Rapidement, je distinguais une femme et un homme. À en juger par leur sourire, ils ne devaient pas être originaires de cette partie de l'île. Je les voyais mieux alors qu'ils se rapprochaient, bien que leur lampe émettant une forte clarté, elle m'empêchait de clairement les distinguer. Lorsqu'ils furent à une distance raisonnable, ils s'arrêtèrent. L'homme brisa la tranquillité de la forêt en me posant une simple question :
Bonsoir. Est-ce qu'on peut vous poser une question ?
Désormais habitué au silence de la forêt, j'eus du mal à lui répondre. De plus, je ne pensais pas qu'ils engageraient la conversation avec moi.
La nuit arrive, je n'ai pas le temps. Vous feriez mieux de ne pas perdre de temps, autrement vous serez perdus.
Justement, c'est pour ça que nous sommes ici. La nuit est si calme qu'elle en devient menaçante. Alors que peut-elle renfermer pour nous dissuader à ce point de nous aventurer ici lorsque le soleil disparaît ?
Intrigué par ces mots, je m'arrêtai.Vous voulez parler de la lueur, lui ai-je répondu en me tournant vers elle. Ou peut-être simplement de cette forêt ?
Les yeux de l'homme s'écarquillèrent.
Non... ça peut pas être encore cette foutue lueur ! C'est la même que dans mon rêve... Elle me suit partout !
Cette fois, ce fut à mes yeux de s'écarquiller. Un rêve ?
Un rêve vous dites ? Mieux vaut y aller le jour, si vous voulez en savoir plus. Vous pouvez continuer dans cette direction, vers la gauche. Il y a un village que vous pourrez atteindre avant la nuit.
Indécis, il tenta de me répondre. Seulement, la femme, jusque-là muette, se glissa dans la conversation.
Il a raison, dit-elle d'une voix tendue. Tu es trop fatigué pour t'y intéresser ce soir. Allez, nous verrons cela demain, pendant la journée.
Je sais ce que je fais...
Ils me sourirent tous les deux une dernière fois, avant de me remercier et de me saluer. Les échos de leur voix s'évaporèrent dans l'air froid de la forêt, et me laissèrent dans une vraie solitude. Celle que la forêt était contrainte à garder, depuis toujours, et pour l'éternité.
Je repris ma route, et me retournai occasionnellement pour voir la lueur vacillante progressivement s'affaiblir, jusqu'à totalement disparaître. Ici se trouvait le point commun entre leur lampe et le coucher du soleil. Sa lueur intense était rassurante et chaleureuse, mais petit à petit, celle-ci s'affaiblissait lentement, avant de disparaître, et de laisser place à une sensation de vide. C'était exactement ce que je ressentais. Un vide.
Ce vide se traduisait non seulement par cette solitude, mais aussi par l'apparition de ces silhouettes étranges. Ou bien, peut-être étaient-elles la cause de tout cela. Elles me suivaient depuis des heures. Selon moi, c'était dû à toute cette route dont j'étais si exténué. Car plus ma fatigue s'accentuait, plus elles devenaient nombreuses et silencieuses. Ce sentiment que je n'avais jusqu'alors jamais éprouvé me faisait perdre la notion du temps. Les dernières heures passées m'avaient semblé être des années, tandis que les suivantes furent pareilles à des minutes.
Je portais enfin attention à ce qui m'entourait. Les arbres bougeaient au gré du vent, et en laissaient même tomber leurs feuilles. Le sifflement des oiseaux qui volaient de plus en plus bas avant de disparaître contrastait avec le hululement des hiboux, qui eux semblaient se rapprocher de moi. Les reflets du soleil étaient étrangement plus forts qu'avant, cependant la lueur n'en était que plus resplendissante.
J'étais proche. Du moins, je l'espérais : mes jambes me faisaient mal. Je continuais malgré cela à avancer encore et encore. Cette longue route allait enfin toucher à sa fin. Après avoir longuement fermé les yeux, j'aperçus enfin une lumière. Cette fois-ci, il ne s'agissait pas de voyageurs ni de la lueur énigmatique, mais bel et bien de chez nous. Je le savais, car cette lumière était reconnaissable entre mille. Je me hâtais donc d'y entrer, épuisé par toute cette route. J'y étais enfin arrivé, et ce, avant la tombée de la nuit.
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Chère Yaria
ParanormalEn ce monde, plus rien ne brillait. Seules deux choses persistaient. L'une étant la Lune, l'autre étant un homme, Orion. Aurèle fit leur rencontre lors de ce qu'il pensait être un jour comme les autres, dans un nouveau monde où les mystères et la ba...