Chapitre 4 ⬩ La nouvelle lune

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J'étais là, dans le néant. Je pensais avoir les yeux fermés, mais c'est en essayant de les ouvrir que je me rendis compte qu'ils étaient déjà ouverts. La première chose que je vis fut le ciel, toujours aussi vide. Cependant, il faisait sombre, bien plus sombre qu'avant. Je me trouvais dans un endroit que je mis plusieurs secondes à reconnaître comme étant une forêt. Je regardais autour de moi et cherchais Amaryllis du regard. Il n'y avait ni elle, ni Shiori ou même Armand. Il n'y avait personne. J'avais une étrange sensation. Celle de rêver. Pourtant, je ressentais bien la chaleur. Je m'étais réveillé.

L'air était étrangement lourd. La peur et l'incompréhension m'envahissaient. Je me demandais où étais-je et comment avais-je fait pour arriver ici. Mes yeux s'habituèrent lentement à l'obscurité et je pus regarder les environs plus distinctement. Il y avait des arbres. Des arbres qui étaient bien plus grands que ceux que j'avais déjà pu voir. Leur imposante silhouette me faisait sentir faible et insignifiant, même avec une épée posée près de ma main droite.

Je ne me sentais pas en sécurité, alors je me méfiais. En essayant de me lever, je posai ma main sur le sol. Immédiatement, je l'enlevai à cause d'une douleur que je ressentis. Cette main, avec laquelle j'avais touché cette eau, était maintenant couverte de sang. Ce sang était le mien, sans surprise. Cependant, je n'étais pas blessé à la main. Le sang qui la recouvrait provenait des quelques entailles qui recouvraient mon bras. Etrangement, je ne ressentais pas vraiment la douleur. Je ne remarquai donc pas que ces entailles au bras n'étaient pas les seules. J'en avais partout sur le corps.

Je me levai avec difficulté puis ai commencé à déambuler dans cette forêt. J'avais pour espoir de trouver quelqu'un, ou une sensation qui m'était familière. J'avais la sensation d'être mort, et d'être arrivé dans un nouveau monde. Seuls les bruits de mes pas résonnaient dans cette forêt obscure. La nuit a-t-elle fini par m'attraper ?

Quel lien avec cette lueur ? Je l'ignorais encore, car penser n'était pas ma priorité. Rester à l'affût l'était. La forêt me paraissait infinie, si bien que lorsque des hululements de hiboux commencèrent à résonner, je sursautai. Au fil du temps, ceux-ci s'accentuèrent.

Je débutais une longue marche tant bien que mal. Je ne regardais plus qu'à mes côtés et derrière moi pour savoir d'où venaient ces bruits, et ne me focalisais plus sur la direction que j'empruntais. J'étais perdu. Il n'y avait d'ailleurs aucune trace de la lueur bleue qui aurait pu m'aider à retrouver mon chemin. Pourquoi la lumière bleue n'est plus là ? Avant même que je ne me pose plus de questions, je sentis quelque chose m'effleurer. Il s'agissait de quelqu'un, j'en étais sûr.

- E-excusez-moi, où sommes-nous ?

Je me retournais pour lui faire face. Il s'agissait d'une femme avec une grande robe blanche. Elle se tourna elle aussi pour me fixer de ses yeux larmoyants. Son regard n'était pas vide, bien au contraire.... Il était trop vivant. Son teint pâle me fit penser qu'elle n'avait pas vu la lueur du jour depuis bien longtemps, comme si cette nuit était éternelle.

Elle s'approcha de moi, une dague à la main. Je n'avais toujours aucune réponse, je n'entendais pas même sa respiration. Tout cela me dépassait. Je pris ce que je croyais être mes dernières forces pour fuir. Les voyageurs étaient rares. Alors pourquoi était-elle là ? Je l'ignorais, et j'étais certain qu'elle aussi. Peut-être savait-elle où nous étions et pourquoi étais-je aussi blessé. Mais je l'ignorais. Ces pas qui résonnaient dans cette forêt morte et ténébreuse étaient-ils les siens ou les miens ? Ou peut-être s'accordaient-ils pour ne former plus qu'un ? Je n'étais plus sûr de rien. Je commençais peu à peu à m'épuiser. J'avais visiblement perdu beaucoup de sang, et je continuais d'en perdre. J'allais mourir.

Mes yeux maintenant habitués à la pénombre, j'eus avec difficulté, discerné une maisonnette en bois à quelques mètres du chemin. Je voyais des silhouettes sombres guetter les environs, assises devant l'entrée. Les ombres de leurs épées me firent douter. Étaient-ils de mon côté ?

- Humains ? Parce que ça t'a l'air humain de vivre ici ?

- Pourquoi tu nous demandes ça... Cette forêt fout déjà assez le cafard...

Leurs quatre silhouettes se tournèrent vers moi à la seconde où je fus capable de distinguer leur visage. Ils paraissaient tout aussi terrifiés que moi. L'une d'elles brandit son épée très rapidement, ce qui me coupa dans mon élan.

- Ne te rapproche pas de nous !

Derrière moi, la silhouette d'une femme en robe commençait à apparaitre. Le reflet lumineux de sa robe dans leurs yeux paniqués ne manqua pas de m'interpeller. Ignorant la mise en garde de l'homme, je marchais en leur direction, tout en la regardant.

- On devrait pas...

Avant qu'il ne puisse finir sa phrase, la chose se rua vers moi. Je réussis à l'esquiver. Elle se retrouva face à l'un des trois épéistes qu'elle tenta d'attaquer instantanément. Les deux autres tentèrent de l'aider, mais avant qu'ils ne puissent faire quoi que ce soit, il planta son épée dans le cœur de la chose. Il retira l'épée de son cœur tandis que des centaines d'insectes s'en écoulaient. Il se fit piquer au bras par plusieurs d'entre eux et lâcha son épée, paralysé. La chose profita de sa paralysie pour le tuer à l'aide de sa dague.

Face à ce qu'ils venaient de voir, ses compagnons étaient eux aussi paralysés, cette fois-ci par la terreur. Tout aussi terrifié, je pris immédiatement la direction d'où ils venaient. Sur le moment, leur sort m'importait peu, surtout lorsque je savais que le mien était incertain.

Je continuais de m'éloigner pendant ce qui me semblait être une éternité. Je n'avais qu'une seule envie : m'arrêter. J'étais épuisé physiquement et mentalement. J'étais tout simplement perdu. Il n'y avait rien autour de moi si ce n'est ces mêmes arbres gigantesques qui semblaient me suivre. Le chemin en terre se terminait quelques dizaines de mètres devant moi. Je distinguais dans la noirceur de la nuit l'ombre d'une personne, la seule qui avait eu la décence de s'enfuir.

- Non, non, non ! C'est pas possible...

Nos regards se croisèrent. N'ayant pas vu la créature, il ne se doutait pas une seule seconde que s'approcher d'une silhouette si vague en raison de la pénombre était l'une des choses les plus dangereuses qu'il pouvait faire. Ce n'est seulement que lorsqu'il fut en mesure de voir mon visage qu'il s'arrêta.

- Aurèle ?

Il ne dit rien de plus, comme s'il venait de comprendre quelque chose. Il me regarda pendant une poignée de secondes, restant fixé sur mon visage. De vives douleurs traversaient mon corps. Je commençais à avoir mal.

- Ton regard... T'as l'air d'être au bord des larmes.

Envoyé ici ? De quoi parlait-il ? Une question de plus sur toute cette pile d'interrogation... Je voulais en savoir plus.

Malheureusement, le temps n'était pas aux réponses. Je sentais mon corps s'épuiser. Puis, mes yeux se fermèrent contre mon gré. Je n'avais jamais eu de blessures pareilles, alors c'est avec effroi que je me résignais à fermer les yeux, une toute dernière fois.

Chère YariaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant