La maison des poupées [recueil de nouvelles]

19 - la morsure de velours

Dans la petite ville tranquille de Grimswood, nichée au creux d'une vallée enveloppée de sombres bois, se cachait une boutique aussi mystérieuse que redoutée : Antiquités Macabres. Son propriétaire, Elias Grimshaw, un vieil homme au regard glacé, était réputé pour ses collections d'objets lugubres, chacun porteur d'une histoire terrifiante. Mais parmi tous ces artefacts macabres, c'étaient les poupées qui suscitaient le plus d'inquiétude. Leur présence immobile dégageait une menace sourde, comme si chacune d'elles recelait une malédiction ancienne.

Les habitants de Grimswood évitaient soigneusement la boutique. Ceux qui s'y aventuraient ressortaient changés, murmurant des histoires d'horreur et d'angoisse. Il se disait que les objets vendus par Grimshaw avaient le pouvoir de modifier les gens, de les transformer, de les lier à des forces obscures. Les rumeurs circulaient, mais personne n'osait les affronter.

Un soir, cependant, une jeune étudiante en anthropologie, Jessica, fut irrésistiblement attirée par cette boutique. Depuis qu'elle en avait entendu parler, un sentiment étrange s'était installé en elle. Ce n'était pas une simple curiosité. C'était plus profond, plus viscéral, comme si un appel invisible l'avait choisie pour découvrir ce que cette boutique renfermait vraiment. Ce soir-là, une pluie battante s'abattait sur la ville, et la lueur des lampadaires donnait à la rue une allure irréelle. Les ombres dansaient sous les gouttes de pluie, projetant des formes sinistres qui semblaient vibrer dans la nuit.

Jessica franchit la porte grinçante des Antiquités Macabres. Dès qu'elle entra, elle sentit l'air changer. L'atmosphère à l'intérieur était encore plus lourde que dehors, oppressante, comme si la pièce elle-même retenait son souffle. Un silence de mort régnait, troublé uniquement par le crépitement de quelques chandelles vacillantes, dont les flammes semblaient presque vivantes, animées par quelque force invisible.

Elias Grimshaw surgit de l'ombre, son corps voûté se découpant faiblement à la lumière tremblante. Ses yeux brillaient d'une malice glaciale, et un sourire déformé s'étira sur ses lèvres.

« Bienvenue, chère demoiselle. murmura-t-il d'une voix feutrée, presque reptilienne. Que puis-je vous offrir ce soir dans mon humble demeure de curiosités morbides ? »

Sa voix glissa sous la peau de Jessica comme un venin, mais elle ne se déroba pas. Ses yeux se posèrent sur une vitrine poussiéreuse, où des poupées étaient exposées. Elles étaient d'une précision effrayante, chacune semblait unique, figée dans une expression troublante. Mais une en particulier captiva son attention. Elle était vêtue d'une robe en velours sombre, ses cheveux de soie noire encadraient un visage de porcelaine d'une beauté glacée. Son sourire, cependant, n'était pas doux. Il était sinistre, presque malveillant. Ses yeux de verre, noirs comme l'obsidienne, semblaient transpercer l'âme de Jessica.

« La Morsure de Velours... murmura Elias en voyant son intérêt. Sa voix s'était faite plus basse, plus menaçante. C'est une pièce unique, une antiquité qui porte en elle une... histoire particulière. Mais je ne garantis ni sa nature, ni ses intentions. »

Malgré cet avertissement, une fascination étrange et inexorable s'empara de Jessica. Elle ne pouvait détacher ses yeux de la poupée. Ses mains tremblèrent légèrement, mais au lieu de reculer, elle s'approcha.

« Je veux la voir de plus près. » dit-elle d'une voix absente, presque hypnotisée.

Elias acquiesça avec un sourire énigmatique et ouvrit la vitrine. Jessica tendit la main, ses doigts effleurant la porcelaine glacée de la poupée. Aussitôt, un souffle glacial parcourut son bras, figeant sa nuque dans une sensation de froid pénétrant. Son cœur battit plus fort, un battement sourd et puissant, mais elle ne recula pas. Au contraire, la sensation, bien qu'étrange, éveilla en elle une curiosité malsaine.