12 - la vengeance des poupées

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Le silence pesait lourd dans la pièce, épais et oppressant, comme une ombre invisible qui s'étirait dans chaque recoin. J'étais assis dans mon fauteuil, immobile, le souffle suspendu, enveloppé par l'obscurité qui envahissait lentement la maison. La nuit était tombée, et avec elle, une chape de ténèbres s'était abattue sur chaque mur, chaque objet. Les ombres dansantes projetées par la faible lueur vacillante d'une bougie semblaient prendre vie sur les murs, se tordant de manière inquiétante.

Les étagères étaient garnies de poupées, d'innombrables poupées de porcelaine. Elles trônaient là comme des sentinelles maléfiques, figées dans des postures étrangement humaines. Leur présence me pesait. Je sentais leur regard sur moi, même si elles ne bougeaient pas. Elles m'écrasaient, devenant de plus en plus oppressantes à mesure que la nuit avançait, comme si elles attendaient, patientes, tapies dans les coins sombres de la pièce, prêtes à bondir, à me happer.

Un vent glacial s'infiltrait par les fissures des fenêtres, semblant murmurer des secrets oubliés, des menaces jamais prononcées. Les rideaux frémissaient sous la caresse de ce vent, et la flamme de la bougie vacillait, prête à s'éteindre. J'étais seul, mais je savais que je n'étais pas vraiment seul. Une présence, tapie dans l'obscurité, m'observait. Je pouvais la sentir. Un frisson glacé parcourut mon échine, et je me redressai légèrement, le cœur battant à tout rompre.

Soudain, un chuchotement à peine audible résonna dans la pièce, comme un souffle, une brise venue de nulle part. Je me figeai, mon corps entier tendu par l'appréhension. C'était un murmure, faible, presque imperceptible, mais il portait avec lui une menace sourde, insidieuse.

Les poupées, qui jusque-là étaient immobiles, prirent soudain vie. Leurs yeux de verre, auparavant inertes, s'illuminèrent d'une lueur sinistre, une lumière froide, inhumaine, qui traversa la pièce comme un éclair de malice. Leurs sourires figés, autrefois innocents, s'étirèrent en de grotesques grimaces perverses. Mon sang se glaça, mon souffle devint plus rapide, plus saccadé.

« Nous avons attendu si longtemps... maintenant, c'est notre tour. »

La voix aiguë et venimeuse semblait émaner de l'une des poupées, mais je ne pouvais pas distinguer laquelle. C'était une voix douce, mais emplie de cruauté, comme un poison qui se diffusait lentement dans mon esprit.

Je reculai instinctivement, mes mains se crispant sur les accoudoirs de mon fauteuil, mes jambes tremblant sous l'effet de la peur. Je ne pouvais plus nier ce que je voyais. Les poupées bougeaient. Lentement, mais de manière résolue, leurs petites jambes de porcelaine raclaient sinistrement le plancher, chaque mouvement amplifiant l'horreur qui montait en moi.

« Que voulez-vous de moi ? » balbutiai-je, ma voix étranglée par la peur.

Mais elles continuaient d'avancer, inexorables. Leurs pas résonnaient dans l'immense silence de la pièce, amplifiant le poids de la terreur qui pesait sur mes épaules. Leurs visages de porcelaine, bien que figés, semblaient vibrer de haine. Une haine froide, ancestrale, viscérale.

« Tu nous as oubliées... tu nous as abandonnées... » susurra une autre poupée, sa voix plus chargée de rancune que de menace, mais glaciale, emplie de reproches amers.

Les souvenirs se mirent à affluer, brutaux, comme des coups portés à mon esprit. Le grenier poussiéreux, ces poupées autrefois aimées, chéries, que j'avais laissées là, oubliées. Je pensais qu'elles n'étaient plus qu'un souvenir lointain, une relique d'un passé révolu. Mais elles, elles n'avaient jamais oublié.

La terreur m'envahit complètement, paralysant chaque muscle de mon corps. Mes jambes refusaient de bouger. Je voulais fuir, mais mes pieds restaient cloués au sol, tandis que les poupées s'approchaient de moi, leurs petites mains de porcelaine s'agitant de manière saccadée et grotesque. Il y avait dans leur démarche quelque chose d'affreusement mécanique, une fluidité inquiétante qui les rendait d'autant plus terrifiantes.

« Nous allons te faire payer... » chuchota une troisième poupée, sa voix s'élevant comme une sentence irrévocable.

Elle s'approchait dangereusement, tendant ses bras vers moi, ses yeux froids et morts brillants d'une lueur de vengeance qui me glaça jusqu'aux os.

Mon souffle se coupa. Les murs semblaient se refermer sur moi, me pressant de toutes parts. L'air se faisait plus lourd, plus épais, chaque inspiration devenait une lutte. J'étais piégé, prisonnier de leur haine et de leur désir de vengeance. Elles ne me laisseraient pas partir.

Leurs rires s'élevèrent soudain, grinçants, déformés, un écho torturé, presque animal, qui résonnait dans la pièce comme une moquerie cruelle. Le son se répercutait dans ma tête, se tordant en une cacophonie insupportable. Mais quelque chose, au plus profond de moi, refusait de céder.

Une lueur de détermination naquit dans mon esprit, brûlant malgré la terreur. Je ne pouvais pas les laisser gagner. Pas comme ça. Je refusais d'être leur victime. Mes muscles se tendirent dans un ultime effort désespéré, et je pris une décision audacieuse.

« Si vous voulez une réparation, vous devrez me faire face ! lançai-je d'une voix tremblante, mais emplie de défi. Je ne vous laisserai pas détruire ma vie et semer le chaos ! »

Les poupées se figèrent, surprises par ma rébellion. Un silence pesant s'installa, oppressant, comme si l'air lui-même retenait son souffle, attendant l'issue de ce défi lancé. Puis, d'un seul coup, elles éclatèrent de rire. Ce n'était pas un rire humain. C'était un rire sinistre, tordu, déformé. Un ricanement qui résonnait dans l'obscurité comme un chœur démoniaque.

« Très bien, humain... ricanèrent-elles en chœur, leurs voix se transformant en un murmure sinistre, presque hypnotique. Prépare-toi à la danse macabre de la vengeance. »

Leurs petits corps se tordirent alors avec une fluidité anormale, défiant les lois de la nature. Les lumières de la pièce vacillèrent soudain, baignant tout dans une lueur froide, presque fantomatique. Le chapitre de la vengeance des poupées venait de commencer, et il n'y avait plus de retour en arrière.

Je serrai les poings, chaque muscle de mon corps tendu à l'extrême. Mon esprit se préparait à affronter cette terreur ultime, sachant que seule ma volonté pourrait peut-être me sauver. Leur pouvoir maléfique s'intensifiait à chaque seconde. Je pouvais le sentir. L'air se chargeait d'une énergie sombre, palpable, comme une aura de malédiction qui enserrait tout sur son passage.

Les poupées, désormais animées par une force surnaturelle, s'approchèrent de moi avec une lenteur effrayante. Leurs petits corps de porcelaine se mouvaient avec une grâce mécanique, mais leur intention était claire. Elles étaient venues pour me détruire. Leur vengeance, nourrie par des années de haine et d'abandon, était implacable.

Je me levai brusquement, mon esprit envahi par un mélange de peur et de rage. Si c'était une bataille qu'elles voulaient, elles allaient l'avoir.

La pièce se transforma en une arène silencieuse, le temps semblant se figer. Les poupées se rapprochaient, leurs rires déformés emplissant l'air. Mes pensées tourbillonnaient, mais je savais que je devais rester concentré. Leur emprise mentale, leur haine malveillante, tout cela pesait sur moi, tentant de me briser. Mais je devais résister.

« C'est votre dernier avertissement. murmura l'une des poupées, sa voix empreinte de menace. Danse avec nous, ou sois détruit. »

Les lumières tremblèrent à nouveau, plongeant la pièce dans une semi-obscurité inquiétante. Chaque ombre semblait vibrer, prête à s'animer, prête à se jeter sur moi. La maison entière semblait se réveiller, prête à se joindre à cette danse infernale.

Je serrai les dents, et dans un dernier élan de courage, je me préparai à affronter ce cauchemar.

La vengeance des poupées venait de commencer, et je savais que seul un de nous sortirait victorieux de cette nuit maudite.

La maison des poupées [recueil de nouvelles]Where stories live. Discover now