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Le kiné

Je sors de la chambre de mon patient et comme d'habitude je désinfecte mes mains avec du gel hydroalcoolique. Je suis dans mes pensées, je réfléchie au futur de mon patient à qui je viens de retirer un redon suite à sa chirurgie de l'épaule. J'ai à peine le temps de me retourner que je tombe nez à nez avec des yeux bleus qui me fixent avec assurance. Il est là devant moi, je ne le connais pas mais nos deux corps sont si proches que je suis déstabilisée. Je vois à sa tenue qu'il est kinésithérapeute et lui voit à ma tenue que je suis étudiante infirmière. On reste quelques secondes à s'observer l'un l'autre, à se juger. Je sors de mes pensées lorsqu'il me dit en avalant sa salive :

J'ai besoin de toi, est-ce que tu peux venir m'aider car je dois mobiliser une patiente mais il faut être deux, son regard s'attache sur mon badge fixé à la hauteur de mon sein gauche.... Caroline .

Oui pas de problème, je vous suis.

Nous arpentons les couloirs jusqu'à la chambre de la patience. Une patiente que j'affectionne particulièrement car il s'agit d'une adolescente qui est un rayon de soleil malgré ce qui lui arrive. Elle est tétraplégique mais elle met la musique à fond dans sa chambre, elle a toujours le sourire, fait des blagues, a toujours le mot juste pour vous faire sourire et rebooster le moral. C'est un bonbon cet ado. En nous voyant tous les deux, elle esquisse un sourire :

J'ai de la chance aujourd'hui, je suis entouré des plus beaux soignants de l'unité. Vous êtes vraiment magnifiques tous les deux. Vous ne voulez pas sortir ensemble pour me faire plaisir, vous allez faire de beaux enfants.... mais vous ne le savez pas encore. dit-elle comme si, ce qu'elle disait était une évidence.

Je pique un fard et regarde le kiné, il n'a aucune réaction, il reste de marbre, focus sur la patiente. Je décide de me reprendre et de faire comme lui, style de rien et je réponds à ma patiente :

C'est très joli comme histoire mais maintenant il est temps de s'occuper de vous. On va se positionner pour vous remonter dans votre lit.

Je me positionne et attends le feu vert du kiné pour accorder nos mouvements afin de mobiliser la patiente.

Il me regarde pour voir si tout est ok de mon côté, à ce moment, nos regards se croisent.... j'ai une vague de chaleur qui monte en moi et je crois voir qu'il se mord la lèvre avant de déglutir . Nous revenons à la réalité lorsque la patience nous dit :

- Quand vous aurez fini de vous manger du regard, pourriez-vous me remonter ?

Je souffle un coup pour me reconcentrer sur ma tâche et ma patiente. Le kiné m'a dit :

- Allez, prêt, hop.... (signal entre soignant pour mobiliser ensemble un patient)

Nous remontons la patiente dans son lit. Je demande à la patience si cela lui convient et si elle a besoin d'un autre choix. Elle me répond :

- Tout va bien, merci beaucoup Caroline !

Je demande au kiné s'il a encore besoin de moi et il me répond le plus froidement possible :

- Non, c'est bon. Merci de ton aide ! sans m'adresser à un seul regard.

Je décide de retourner à mes soins et avant même de franchir la porte de la chambre, j'entends ma patience me demander :

- Si j'ai besoin d'un autre a choisi Caroline, s'il vous plaît

- Je vous écoute, que puis-je faire pour vous ?

- Je veux que vous sortiez ensemble, pour mon plaisir, vous ne pouvez pas refuser une demande d'une patiente tétraplégique. Juste passer quelques heures ensemble et après je vous laisse tranquille, promis.