Légendes de l'Ancien Temps

L'Homme sans peur

À la recherche de l'homme sans peur, conte écrit par Claire Ubac pour Les Belles Histoires, n°328, février 2000.

Il était une fois un chevalier dont la réputation de force et de courage n'était plus à faire. Il avait combattu aux côtés de la reine en personne et avait mené de nombreuses quêtes avec succès avant de s'installer dans son château pour une paix bien méritée. Là, il se consacra avec son épouse à l'éducation de leur petit garçon, Timéo.

Avec le temps, ce garçon devint un jeune homme charmant que tout le monde appréciait pour sa gentillesse, sa douceur et sa patience. Alors que ses parents vieillissaient, il les aidait chaque jour davantage et les habitants de la seigneurie envisageaient l'avenir avec sérénité en sachant qu'il deviendrait un jour le maître de ces terres. Timéo faisait de son mieux pour rendre ses parents fiers, aidé par Xavier, son meilleur ami depuis toujours. Toutefois, le jeune homme nourrissait une crainte secrète, qui grandissait de jour en jour, jusqu'à le priver de sommeil. Et Xavier, bien sûr, s'en aperçut.

— Qu'est-ce qui te tracasse ? demanda-t-il un soir à son ami. Tu as des cernes terribles sous les yeux et tu n'as presque plus d'appétit. Est-ce que je peux faire quelque chose pour t'aider ?

— J'ai peur, avoua alors Timéo. Peur de ne jamais être à la hauteur de mes parents, peur de les décevoir. J'ai peur de ne pas être prêt lorsqu'il me faudra leur succéder, mais j'ai également peur de tout le reste. De devoir parler quand il y a beaucoup de monde dans une pièce, et d'avoir à traverser le château lorsque la nuit est tombée, de voyager seul et de ne pas être assez fort pour repousser une attaque de brigands, mais aussi de dire ce que j'ai sur le cœur ou de perdre ceux que j'aime...

C'était la première fois que Xavier voyait son ami aussi défait et il ne savait pas vraiment ce qu'il pouvait dire ou faire pour le réconforter. Personnellement, il trouvait que Timéo était très courageux d'avouer ses peurs, mais il ne savait pas comment le lui dire. Alors à la place, il se rapprocha pour le prendre dans ses bras et le serrer contre lui, espérant lui donner du courage. Avec un drôle de petit bruit qui ressemblait un peu à un sanglot, Timéo se blottit dans son étreinte et Xavier eut soudain une idée.

— Tu sais, dit-il doucement, quand j'étais petit ma grand-mère me racontait une vieille légende, affirmant que si l'on voulait guérir de la peur, il fallait porter le vêtement de quelqu'un qui ne l'avait jamais ressentie. Peut-être que c'est ça, la solution qu'il te faut ?

— Tu as raison ! s'exclama Timéo en se redressant. C'est exactement ce dont j'ai besoin, tu es formidable !

Tout à son bonheur, il embrassa Xavier sur la joue, sans même remarquer que son ami rougissait jusqu'aux oreilles. Puis il bondit sur ses pieds et lui tendit la main pour l'entraîner à sa suite.

— Viens, allons trouver mon père ! Lui n'a jamais eu peur de rien ni personne, je n'aurais qu'à lui emprunter l'un de ses vêtements et je deviendrai aussi courageux que lui !

Les voilà donc partis à toutes jambes dans le couloir pour rejoindre le chevalier dans la grande salle. Un peu essoufflé, Timéo essaya de résumer la situation.

— Voilà, dit-il avec embarras, il se trouve que j'ai peur de tout. Xavier dit que pour guérir de ce mal, il me faut emprunter le vêtement de quelqu'un qui n'a peur de rien. Accepterais-tu de me prêter ton manteau, ou bien une chemise ?

Un peu surpris, le chevalier regarda les deux jeunes hommes qui se tenaient toujours la main, et il lut effectivement de la peur dans les yeux de son fils, une peur qu'il n'y avait jamais vue. Mais il y avait aussi de l'espoir dans ce regard clair, et c'est ce qui le décida à répondre avec honnêteté.