Légendes de l'Ancien Temps

La Tour Mystérieuse

Inspiré de Raiponce, conte compilé par les Frères Grimm dans le premier volume de leurs Contes de l'Enfance et du Foyer (1812), avec quelques éléments tirés du film d'animation (2010) et de Merlin l'Enchanteur (1963) des studios Disney,  et du Château Ambulant, adaptation par les studios Ghibli (2004) du roman de Diana Wyne Jones (1986).

Il était une fois le prince Dietrich de Leborn, s'en allant fièrement sur les chemins à la rencontre de son destin. Il chantonnait gaiement, imaginant à nouveau les chansons que l'on dirait en son honneur lorsqu'il reviendrait victorieux de sa quête. Il lui fallait trouver quelque chose d'extraordinaire à accomplir, plus encore que les exploits de Floren, quelque chose que même Etienne ne pourrait pas égaler. Ainsi, il s'en retournerait au palais auréolé de gloire et ses parents verraient enfin qu'il était le plus à même de leur succéder sur le trône de Leborn. C'était son plus grand rêve, devenir souverain du royaume, inscrire son nom aux côtés des plus illustres de ses ancêtres, et être connu de tous. Laisser une trace à la postérité.

Tout à ses rêveries, il chevauchait le nez en l'air, inspirant les parfums de la forêt, laissant son cheval choisir leur chemin. Il était tout de même très attentif aux gens qu'il rencontrait sur la route, ne voulant pas se faire prendre une deuxième fois au piège du nain. Pourtant, deux jours s'écoulèrent paisiblement sans qu'il ne croise qui que ce soit, s'enfonçant de plus en plus dans la forêt séparant Leborn de Ravina. Les grands arbres droits laissaient peu à peu la place à d'autres essences, plus petites, plus tordues, poussant entre des rochers et des ruisseaux glougloutant. L'ambiance était différente aussi, plus mystérieuse, presque magique...

Émerveillé, Dietrich cessa de chanter et tendit l'oreille pour écouter les oiseaux, les grenouilles et toute la vie du sous-bois. Il se sentait curieusement apaisé par ce calme vivant et il se surprit à prendre de profondes inspirations de l'air frais au parfum de nature. Une brise légère l'enveloppa, apportant avec elle l'écho d'une voix douce, au timbre joyeux. Intrigué par ce chant mélodieux et léger, Dietrich encouragea sa monture à changer de direction pour suivre cette voix. Le chanteur ne devait pas être très vieux, probablement un jeune bûcheron à l'ouvrage, ou bien un esprit des bois, et cela piquait la curiosité du prince après deux jours sans autre compagnie que son cheval.

Il suivit donc la piste musicale à travers bois, cheminant sur des sentiers si menus qu'ils ne devaient être empruntés que par des animaux, jusqu'à déboucher soudainement dans une sorte de grande clairière. La forêt s'arrêtait là, juste avant que le sol ne plonge sur quelques mètres. Devant, l'horizon était barré par une gigantesque falaise, si droite qu'elle semblait avoir été tranchée par une épée titanesque. Les eaux grondantes d'une cascade s'y jetaient dans un arc en ciel de brume, offrant un décor féerique à la tour nichée à son pied. C'était une vision étrange, que cette tour coiffée d'un toit pointu, dépourvue de tout château, se dressant au milieu de nulle part. Les murs étaient couverts de lierre, au point de faire un peu pencher la structure, et de là où il se trouvait, Dietrich ne voyait aucune autre ouverture qu'une fenêtre tout en haut. C'était de là que provenait la voix, chantant gaiement une rengaine populaire.

De plus en plus curieux, Dietrich observa les alentours à la recherche d'un moyen de descendre vers la tour. Il finit par aviser une sorte de chemin escarpé et il descendit de cheval pour s'y engager avec la plus grande prudence. Bras écartés pour conserver son équilibre, il progressa sur la roche instable, jusqu'à poser enfin le pied au fond de cette curieuse vallée. Là, le chemin se dessinait un peu mieux au travers de l'herbe dont le vert semblait hésiter à devenir bleu, et il put marcher plus facilement en direction de la tour. En haut, l'homme chantait toujours.