3 🎀 Drame romantique

80 12 98
                                    

Je me sens flagellé jusqu'au sang.

Les expectations de mes parents chargent sur mon dos une pression qui pèse toujours aussi lourd.

Ils ont voulu m'assurer le bon œil en me prénommant Neyl, « celui qui réussit ». Pourtant, même en étant intégré, en ayant un bon travail et un toit qui m'appartient au-dessus de ma tête, j'ai l'impression d'avoir tout échoué dans ma vie. De les décevoir en permanence.

Je suis censé avoir de l'ambition et une grande détermination, ce qui est peut-être vrai dans ma vie professionnelle. Mais tout ce que j'ai fais ces six dernières années sur le plan personnel, c'est fuir leur ultime attente : me voir fonder une famille.

C'est déjà un miracle que oummah ait fini par comprendre que mon homosexualité ne constitue pas une des dix plaies d'Égypte. Cela aura pris deux longues années après ma confidence, balancée au milieu du torrent de larmes déferlé par ma première peine de cœur ; j'avais tout juste vingt-et-un ans.

Même avec toute la bonne volonté du monde, je m'avère en fin de compte incapable de m'établir dans une relation émotionnelle saine. J'ai essayé, par deux fois, et je me suis cassé les dents en beauté. Alors plus jamais, me suis-je juré.

Mais je n'en peux plus d'essuyer les critiques intempestives sur ma méfiance soi-disant exacerbée et mon attitude volage.

Moi, volage ? Simplement car je butine par-ci, par-là. Au gré des saisons...

Malgré tous mes efforts pour m'expliquer et exposer l'ampleur de ma douleur, mes parents ne conçoivent pas que je ne souhaite plus m'engager émotionnellement. Je suis donc obligé de jouer la comédie d'une relation miraculeuse, en espérant que mes proches me fichent enfin la paix une fois que mon faux petit ami aura prétendument brisé les morceaux restants de mon cœur martyrisé.

Mon regard tendu revient à Raymond, qui attend la suite. Son sourire, vraisemblablement irrésistible aux yeux des autres, m'indique que la requête de ma copine fofolle ne le dérange pas. Alors, malgré ma retenue habituelle quant aux rapprochements intimes sous des yeux indiscrets, je me force à grimacer un sourire et opine au ralenti.

Cela marque le top départ d'une nouvelle scène.

Raymond mordille sa lèvre pulpeuse, ce qui, je dois l'avouer, retient toute mon attention. Tant et si bien que je sursaute lorsque ses doigts se posent sous mon menton.

Ils sont pourtant délicats, et s'accompagnent d'un visage attentionné. Un visage qui approche dangereusement le mien.

Jusqu'ici, nous avons réussi à limiter nos interactions à des contacts basiques. Un bras autour des épaules, une main avenante dans le dos, une marche bras dessus, bras dessous... Le plus extrême de sa part a été un baiser sur la tempe pour ponctuer une réflexion romantique à propos de notre fausse relation.

Les personnes qui me connaissent savent que, même si je serais capable de me saigner en quatre par amour pour mon homme, je ne suis pas l'archétype du petit ami ostentatoirement démonstratif. Donc rien d'étonnant pour mes parents et Alina. Mais j'ai la sensation que l'américain s'apprête à m'en donner pour mon argent.

J'ai le pouls qui pulse si fort à cette idée que je crains la tachycardie !

Lui, a l'air toujours aussi confiant. Maître de la situation.

En tant que tel, Raymond semble d'ailleurs laisser s'égrainer les secondes entre ses paumes afin que mes neurones sautent sur l'occasion d'accéder à un protocole d'urgence.

Mais rien à faire.

Les fils se touchent sous l'afflux de son odeur sucrée et le magnétisme de son regard empire les choses. La machine court-circuite. Je n'ai pas le réflexe de me dérober en offrant prudemment ma joue, comme l'a fait oummah avec mon père plus tôt dans la journée.

Conquiers-moi [MxM |❤️‍🔥]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant