6 🎀 Dégâts émotionnels

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  Samedi 23 décembre 2023.

  Il est tout juste huit heure. Le soleil émerge à peine de la fine brume à l'horizon.

  Observer la manière dont il colore le ciel clairsemé de nuages de teintes rosées et dorées m'émerveille. Admirer ce manteau de neige, étincelant comme des milliers de cristaux sous ses rayons imperceptibles, recouvrir le paysage montagneux opère le même effet mirifique. Pourtant, au bout de quelques minutes, mes yeux papillonnent et ma mâchoire menace de se décrocher tant elle s'ouvre grand.

  Pris de surprise, je ravale mon bâillement tonitruant quand Raymond cogne son épaule dans la mienne.

  Son rire léger résonne dans l'air cristallin, brisant le silence tranquille qui régnait jusqu'ici devant le magasin de location où nous attendons patiemment que mes parents et Alina choisissent enfin leur matériel de glisse.

  — Mauvaise nuit, mon chéri ?

   Je tourne lentement le regard vers lui et le dévisage d'un œil inquisiteur.

  Ce type semble prendre un plaisir sadique à agiter les eaux troubles de ma mauvaise humeur ! Résumer le calvaire que je subis à ses côtés à une mauvaise nuit serait un euphémisme, bien que je n'ai effectivement pas pu fermer les yeux.

  D'abord, j'ai dû me décider à repousser les couvertures car je mourrais de chaud. Cela n'a pas eu l'effet escompté, mais je n'ai pas pu me résigner à ôter mon haut de pyjama. Puis, mon esprit s'est vite révélé accablé. Autant de remords quant à la soirée mensongère que je venais de vivre qu'à cause de la présence obnubilante de l'énergumène allongé derrière moi.

  — Ta fiche de renseignements ne stipule pas que tu parles dans ton sommeil, souligné-je, atterré.

  L'air vif du matin frappe durement mon visage, seule partie exposée de mon corps, et transforme chacun de mes souffles en une fumée blanche éphémère.

  Visiblement amusé par ma remarque pourtant tranchée, Raymond esquisse un sourire qui bombe ses pommettes pleines. Paré pour l'action, il a troqué ses lunettes contre des lentilles de contact. La luminosité ambiante épouse son visage jovial et révèle à la perfection les reflets les plus clairs de ses iris bruns.

  — Ça arrive assez rarement et, entre nous, ce n'est pas très vendeur, rit-il naturellement avant de reprendre. Mais désolé d'avoir perturbé ton sommeil. Ce sont les joies de la vie de couple, hein ? Elle se présente parfois avec ses petites surprises.

  Malheureusement, je ne le sais que trop bien.

  En ce qui me concerne, les « petites surprises » se transforment toujours en grosses déceptions, ce mythomane ne fait pas exception à la règle. Mes yeux se lèvent d'eux-mêmes vers le ciel et je refoule un grondement sourd à cette idée.

  J'aurais préféré qu'un homme dans sa situation ait la décence de rester célibataire. Il a d'ailleurs prétendu l'être ! Sauf qu'en plus d'avoir déchiffré ses babillages anglais extrêmement argotiques la moitié de la nuit, j'ai cerné son petit jeu en sortant de la salle de bain... Sa mère a bon dos, mais je parie qu'il ne sourit pas aussi bêtement aux messages provenant vraiment d'elle. De plus, je sais d'expérience que seule une personne cherchant à tromper son monde retourne son téléphone face contre table quand quelqu'un débarque dans la même pièce.

  — Je plaisante, Neyl, renchérit Raymond face à mon mutisme. Je suis sincèrement navré que ma parasomnie¹ ait troublé ton repos. Comme je te le disais, mes épisodes se manifestent de manière aléatoire. Je n'ai aucun contrôle sur leur apparition et, avant que tu ne le suggère, la prise de somnifères aurait un effet aggravant.

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