𝟐.

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Se mettant sur la pointe des pieds, il réussit finalement à récupérer le damier placé sur l'étagère la plus élevée du meuble de bois.

Pour l'instant encore classé parmi les prépubères de sa génération, sa taille restait modeste, à son plus grand dam.

Le jeu d'échecs serré contre son torse, il parcourut du regard le centre de documentation, à la recherche d'une table vide et légèrement à l'écart lui assurant un minimum d'intimité.

Ses pupilles châtaigne s'accrochèrent inconsciemment à une tignasse dorée originalement coiffée, son cerveau réclamant de longues secondes avant de finalement réussir à lui procurer l'identité de la silhouette féminine esseulée mâchonnant l'extrémité de son stylo, ses magnifiques perles malachite perdues dans le vide manifestement à la recherche d'inspiration.

Le carnet jaune poussin posé sur la table lui donna un assez gros indice.

Déposant l'objet précédemment récupéré à la première place libre trouvée, il la surveilla le plus discrètement possible, ayant tout de même du mal à détacher ses yeux d'elle.

La voyant enfin se lever, il pria intérieurement pour que tout ce passe comme désiré.

Et visiblement, son ange gardien semblait être de son côté aujourd'hui.

Tandis qu'elle s'approchait du rayonnage dédié aux dictionnaires tirant un volumineux ouvrage, il se redressa, faisant mine de passer par le plus grand des hasard près de la place précédemment occupée par la jeune femme, laissant son regard traîné sur le cahier laissé innocemment ouvert.


J'ai un assez vague souvenir des océans de sables et des horizons de dunes à perte de vue.

Quand on s'est installés dans cette ville, j'étais encore trop jeune pour comprendre ce qui nous arrivait.

La perte de ma mère m'était elle-même rester non-envisageable pendant longtemps, ma conscience se refusant encore à accepter l'idée.

Une image m'est pourtant encore fixé à l'esprit.

Tels ces penses-bêtes accrochés sur la porte du frigidaire ou ces vieilles photos de famille maintenues grâce à une pince sur une corde en guise de décoration, le tableau s'accroche comme il pouvait dans ma mémoire, plantant ses ongles dans la chair rosée de ma cervelle m'évitait de renier cette ancienne moi ayant pu profiter d'un début d'enfance classique, de cette vie avant qu'elle ne bascule radicalement.

De brûlantes particules sablonneuses réchauffant mes pieds enfoncés en elles, devant moi la toile tendue de l'univers sur laquelle on avait renversé malencontreusement sa palette de peinture, le ciel se teintant de mélanges rouge-orangé et bleu-violacé, les étoiles s'allumant une à une tendit que l'astre solaire se laissait couler dans un bain de dunes...

Mon premier coucher de soleil en compagnie de maman.

Bien différent de ceux monotones de cette cité lambda, à moitié gâché par ces lampadaires cendrés projetant leur artificiels lueurs.

Le désert me manque.

Le vent chaud et brûlant, sec, froid la nuit tombée savamment plus intéressant que cet air lourd et humide, semble m'appeler.

Quitte à être seule, je préfère être là-bas.

Rien ici ne paraît désireux de ma présence.

Là-bas non plus, pourtant, je pouvais le nommer chez moi.

Même après plus de onze ans passés ici, je ne peut m'empêcher de le considérer que comme habitat provisoire...


- MAIS J'Y CROIS PAS ! ENCORE TOI ?!

Se retournant vivement, il comprit alors l'ampleur de sens de l'expression "être pris sur le qui-vive".

- Je, euh-

- MÊME 2 ANS PLUS TARD TU CONTINUES À REGARDER LES AFFAIRES PERSONNELLES DES ÉTRANGERS ?!

Il fut surpris de la voir le reconnaître.

Il demandait d'ailleurs comment une telle constatation avait parvenir à naître dans son cerveau, au profit des frissons de terreur parcourant son échine.

Ne la connaissant pas assez, il se retrouvait dans l'incapacité de prédire ce qui risquait d'arriver à sa personne. Enfin, il en avait tout de même un avant-goût grâce à ses vociférations.

- LA VIOLATION DE LA VIE PRIVÉE TU CONNAIS ?!

- Hé, tu crois pas que t'en fais un peu trop là ?!

- ET TOI À CONTINUER À LIRE MON CARNET DEUX ANS PLUS TARD, TU CROIS VALOIR MIEUX ?

- Et évite d'hurler, on va se faire renvoyer du CDI à force. T'as pas vu la gueule du surveillant ?!

Se calmant quelques peu après avoir par-dessus son épaule en direction du jeune homme les fusillant du regard depuis son bureau, elle le repoussa violemment, attrapant d'un vif geste son carnet et son sac traînant sur la table près de ce dernier, le hissant sur son épaule avant de prendre la direction de la sortie.

Au delà de ses hypnotiques prunelles ou de sa plume à coupée le souffle, il fut forcer d'admettre que son caractère pimentée le charma.

Malgré le fait qu'il le jugeait bien trop galère pour lui...



𝕷𝖎𝖇𝖊𝖑𝖑𝖊𝖘 𝕽𝖔𝖒𝖆𝖓𝖈𝖊́𝖊𝖘 || 𝗦𝗛𝗜𝗞𝗔𝗧𝗘𝗠𝗔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant