Je suis contente. Non seulement j'ai pu avoir un bus mais en plus je l'ai attrapé à temps. Avec les caillassages de bus, les agressions envers les chauffeurs et incivilités diverses et quotidiennes, il y a de moins en moins de bus. Quand ce n'est pas carrément l'arrêt complet et définitif de tout une ligne. Et même si cela ne m'arrange pas, je comprends parfaitement les sociétés de transport en commun.
Juste auparavant, plus on s'approchait de l'école, plus Sofiane accélérait le pas, pour finir par courir devant moi tel un cheval en balade qui sent l'écurie. C'est bien, il aime l'école. Peut-être plus pour retrouver ses potes et faire les 400 coups que pour écouter assidûment la maîtresse mais au moins, il n'a pas la phobie de l'école et aucun problème de harcèlement scolaire n'est à déplorer, du moins jusqu'à présent. Pourvu que cela dure. Son entrain à entrer dans la cour d'école ornée de mûriers-platanes a fait que j'ai pu choper mon bus à temps.Ça m'fait penser à maman qui doit être en train d'essayer de rattraper un pull de Sofiane. Hier, il est rentré parsemé de taches rouges. On aurait dit qu'il revenait d'une séance de paintball.
Les mûres de ces satanés arbres tombent à maturité sans crier gare et ont une puissance de teinture incroyable. C'est simple, on va finir par ne plus lui acheter que des fringues rouges.
Il n'a pas intérêt à traverser un champ camarguais empli de taureaux. La manade le transformerait instantanément en hachis de Sofiane. Beurk ! J'ai vraiment des idées débiles qui me passent par la tête, moi. C'est l'effet bus. On n'a pas à se concentrer sur la conduite et ses mille dangers alors on peut laisser son esprit errer en regardant le paysage urbain défiler. Ce petit démon de Sofiane m'exaspère au plus haut point mais quand il n'est pas là, il me manque. Il est redoutable. Je suis foutue de chez foutue. Cruel destin d'une grande soeur qui a un coeur d'artichaut.On approche du Lycée Jacques Brel de Vénissieux. Il est un peu moins moche que l'ensemble des lycées de France et de Navarre. Il y a une certaine recherche dans la toiture, quoique inspirée des usines d'antan : un toit en zigzag. Pour le reste, de bêtes cubes à panneaux de simili-marbre contrecollés en façades qui au gré des aléas climatiques et de température finiront bien tôt ou tard par nous tomber sur le coin de la figure car c'est le cas de toutes les structures similaires. Ma foi... On mettra un casque de chantier pour aller étudier.
C'est la cohue devant les grilles visiblement encore fermées. Un brouhaha se dégage du troupeau d'ados que je m'apprête à rejoindre. Je sors du bus et m'approche de la foule avec une étrange démarche de robot. Je sens la torpeur m'envahir et les muscles se tétaniser, d'où mon pas raide. J'ai l'impression d'avoir un compas à la place des jambes. En effet, je plie les genoux très difficilement.Me voici à hauteur de l'affluence de jeunes surexcités et bruyants. Une vague humaine s'abat sur moi par l'arrière. Whatmille individus ont débarqué de je ne sais où et me voilà au beau milieu du monde toujours collé-serré devant le portail en fer du bahut. "Pourquoi s'inflige-t-on ça ?", me diriez-vous plus tard, une fois que vous saurez ma présence en ces lieux. "On a inventé internet, tu sais." me diriez-vous d'un air narquois. Certes ! Mais l'éducation nationale n'est pas foutue de se doter d'outils informatiques efficaces et assez puissants pour supporter la connexion massive et simultanée de milliers d'élèves. Z'ont dû installer ça sur un PC windaube 98 voire un Amstrad. Patatra ! "Erreur inconnue. Site inaccessible." Et en temps normal, quand ça fonctionne, je ne vous parle même pas de l'ergonomie des sites... et le pire de tous : Parcoursup, cauchemar des cauchemars. Mais ce n'est pas le moment que je vous parle de ce... ce truc.
Revenons à nos moutons, c'est à dire les centaines de jeunes dont moi-même bêlant devant notre unique obsession du moment, à savoir : l'ouverture de ce put... de portail de mer...credi derrière lequel un pion quelconque se cure le nez en attendant l'aval de je ne sais qui pour daigner introduire la clef dans la serrure et la tourner d'un simple demi tour dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Purée... Pourquoi je veux faire des études, moi, alors que la plupart du temps on est bloqué dans nos mouvements par des petits chefs dont l'action est circonscrite à de simples tâches et qui vous emm..mercredi au plus haut point tant ces préposés mono-tâche éprouvent un plaisir pervers de bloquer tout un système en faisant traîner l'élémentaire acte qu'ils sont censés exécuter. Et encore... Quand ils ne bloquent pas tout processus tel le trou du "luc" qui peut pourrir tout l'organisme dont le cerveau en refusant de s'ouvrir. Ce sont eux, qui ont le pouvoir dans la vie de tous les jours, dirait-on.