Chapitre 3 / Vent de panique

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Olivier s'était levé d'un bond dès qu'il avait ressenti le sort de protection sur Gaspard s'évaporer dans l'air. Quelqu'un l'avait brisé en osant lever la main sur lui. Il enfila précipitamment un gilet, sortit de sa chambre en trombe, traversa le long couloir désert, puis dévala les escaliers.

En atteignant la porte d'entrée, son cœur battait à un rythme endiablé, malmenant sa respiration irrégulière. Dès qu'il l'ouvrit, il se figea tout en réussissant à souffler sur ses mèches noires indisciplinées qui lui barraient la vue. En face de lui, un adolescent portait Gaspard inconscient, le visage arborant une plaie presque guérie le long d'une joue.

— Bonjour, Monsieur, où puis-je le déposer ? demanda l'inconnu.

Ayant soudainement perdu l'usage de la parole en découvrant les yeux vairons du jeune garçon, il leva simplement son index pour lui indiquer la direction du salon des invités. Gaspard lui avait dit que son nouvel ami était un sorcier. Or, il n'arrivait pas à ressentir sa vibration magique. C'était un peu la signature vitale de chaque être surnaturel. Même les humains en avaient une, certes moins importante parce qu'ils ne détenaient pas de magie, mais ils en avaient une.

Ce gamin-là, il n'avait rien. Ce ne fut qu'en le suivant jusqu'au salon qu'il l'observa déposer le corps de Gaspard sur le canapé. En soi, il n'y avait rien d'étrange, sauf que le garçon ne le touchait plus. C'était comme si quelque chose d'invisible avait soulevé Gaspard.

— Par Ékan, qui es-tu ? marmonna-t-il alors que le jeune sorcier pivotait vers lui avant de s'évanouir.

Pendant qu'Olivier les transportait tour à tour dans une chambre d'ami pour qu'ils soient dans la même pièce, il se souvenait de ce que Jules lui avait dit quelques semaines plus tôt, sans jamais questionner son fils. Olivier savait combien le cas de Gaspard le préoccupait et avait senti la peur de ce jeune père grandir au fur et à mesure que le temps passait.

Jules ne comprenait pas comment son fils, dépourvu du don de la transformation, avait pu s'imprégner d'une autre personne. L'imprégnation, étant un acte réfléchi et définitif, signifiait que la connexion qui s'établissait entre deux personnes devenait indissoluble. De plus, cela se faisait à partir de l'adolescence, si et seulement si les sentiments étaient partagés et que les âmes sœurs s'étaient reconnues. Jules était dépassé par ces événements, car cela confirmait le fait que son enfant était bel et bien différent des autres.

Olivier était persuadé qu'il serait impossible pour Gaspard de découvrir son âme sœur comme les siens, mais qu'il devrait le vivre comme n'importe quel humain. Aujourd'hui, il ne remettait plus en doute ses connaissances. Claudine, la mère du louveteau, avait raison : Gaspard était un être à part.

Olivier soupira en regardant Nao, puis se dit que s'il ne ressentait pas sa vibration, c'était que le jeune sorcier n'appartenait pas à ce monde, confirmant ainsi les dires de Gaspard. Non pas qu'il doutât du garçon, mais Olivier avait besoin de certitudes pour les valider. Maintenant qu'il se trouvait face à la situation, c'était presque surréaliste, car cela signifierait que Nao serait peut-être un portailier.

— Oh, bon sang, chuchota-t-il, le cœur palpitant et les mains subitement moites. Ça, c'est une découverte...

Il avait besoin de réfléchir, mais il devait absolument prévenir Jules de l'état de son garçon. Nul doute que celui-ci allait immédiatement revenir et certainement retourner toute la meute jusqu'à ce que le persécuteur se dénonce.

Une fois qu'il raccrocha, il s'assit sur une chaise, près de Gaspard, et l'observa, désolé d'avoir failli à son devoir. Olivier était doué avec sa magie. Il était un Instinctis, un sorcier doté d'une magie rare qui aurait pu faire peur à la communauté si ses défunts parents n'avaient pas eu en leur possession un écrit de Sylvaca concernant sa lignée.

Le portailier - T1 [MM] [EXTRAIT]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant