Emma ouvrit difficilement un œil, sans même savoir si c'était le gauche ou le droit. Sa bouche était pâteuse et sa tête pesait un âne mort. Son corps prenait un malin plaisir à lui rappeler qu'elle n'avait plus 20 ans, et elle savait déjà qu'il prolongerait ce plaisir toute la journée, peut-être même aussi le lendemain. Dieu merci, nous étions samedi. Pas d'obligation, rien de prévu à l'horizon.
Soudain, un poids vint atterrir sur son estomac fragile, lui arrachant un grognement et des aigreurs dont elle se serait bien passé. Elle fit un effort surhumain pour ouvrir le deuxième œil – toujours sans savoir lequel des deux c'était – et le poser sur l'origine de sa douleur. La boule de poils la fixait avec sévérité, outrance, réprimande et un un air de supériorité duquel émanait toujours un certain dégoût pour cet être inférieur qu'elle était, cette esclave à deux pattes décidément peu efficace.
« Doucement Radamès, la nuit a été dure »
Son chat miaula pour lui signifier que ce n'était pas son problème, et qu'il avait déjà été bien bon de la laisser dormir si longtemps. Emma tendit le bras à la recherche de son téléphone pour voir l'heure.
« Oh non, pas déjà ! couina-t-elle en voyant « 10h24 » sur l'écran.Son chat se releva et vint lui donner quelques coups de tête avant de lui mordiller le bout du nez. Emma bondit du lit, entre surprise et énervement, ce que ressentit bien Radamès qui préféra s'enfuir à toute vitesse. Sa maîtresse jeta la couette sur le côté vide du lit, puis se redressa trop rapidement, son estomac semblant ne pas avoir suivi le mouvement en restant à l'horizontal dans son corps désormais à la vertical. Elle se maudit d'avoir autant bu la veille. Elle était devenu trop vieille pour ne plus faire attention au nombre de verres qu'elle ingurgitait.
Elle se dirigea d'abord vers la salle de bain pour se laver les dents et tenter de faire disparaître l'haleine pâteuse qu'elle ne supportait déjà plus, puis elle se rendit dans la cuisine après une pause pipi bien méritée. Radamès l'attendait déjà, assis sur la table d'où il attendait en fouettant l'air avec sa queue. Une vision qui fit grogner Emma, tandis qu'elle s'exécutait par automatisme en ouvrant le frigo et en sortant la boîte de pâté entamée. Elle chercha la gamelle du félin, prestement descendu de la table pour se faufiler entre ses jambes et risquer de la faire tomber. Encore une manière qui l'exaspérait, mais un chat reste un chat. Il se jeta sur son petit-déjeuner avant même qu'il ne touche le sol, comme s'il n'avait rien mangé depuis des jours.
Emma ne demanda pas son reste et retourna dans la partie cuisine pour allumer sa machine à café. De la caféine. Vite. Il lui fallait une dose assez costaud si elle voulait sortir un minimum de la brume qui s'était installée dans sa tête. « Remplir réservoir » s'afficha en lettres bleues comme une réprimande de la part de l'appareil. L'Univers entier se liguait contre Emma... Elle se renfrogna en s'exécutant, décidément esclave d'un animal ET d'une machine. A croire qu'elle avait loupé la marche de l'Evolution ! Lorsqu'elle remit en place le réservoir d'eau, l'écran afficha « Vider tiroir à marc », comme pour la narguer. Durant une seconde bien longue, elle hésita entre hurler, pleurer, ou tout simplement arracher la machine et la jeter par la porte-fenêtre. Mais son état physique ne lui permettait pas la dernière option. Dommage, car c'était la plus tentante. Elle avait vraiment besoin de caféine, et c'est pourquoi elle tira ce maudit tiroir, le vida, et le replaça lui aussi à sa place. Vu que tout semblait jouer contre elle, elle préféra anticiper en jetant un coup d'œil dans le réservoir des grains de café. Comme elle s'en doutait, il était vide...
« Jamais deux sans trois, lâcha-t-elle entre ses dents. »
Puis, après avoir versé les grains salvateurs dans leur compartiment, elle ajouta à l'attention de la machine :
« C'est bon maintenant ? On peut y aller ? Ou bien tu veux que je mouds moi-même les grains ? »
Elle effectua tout de même une rapide prière pour qu'aucune coupure de courant ne vint s'ajouter à la liste déjà longue de ses déboires matinaux, puis appuya sur le bouton. Alléluia ! L'élixir de jouvence des temps modernes coulait à flot dans sa tasse. La journée pouvait enfin commencer. Mais pas trop vite non plus, les nuages dans sa boîte crânienne étant loin de s'être dissipés.

VOUS LISEZ
DilEmma
RomanceEn cours de réécriture, et tout particulièrement les premiers chapitres ^^" Quand la fidélité envers l'autre se heurte à la fidélité envers soi-même... Emma, jeune écrivaine, voit son dernier roman se faire adapter au cinéma. Au moment du casting po...