Les jours qui suivirent passèrent plus calmement. Sara avait été inquiète pour moi. Cependant, elle laissa la palme d'inquiétude et de colère à sa fille, se contentant d'être avec moi face à la tempête Sylvia. Ce qui n'avait pas été une mauvaise idée quand on voyait le sale caractère de ma Sylphide déchainée... J'avais eu droit à un sacrée sermon sans explication. Je dois bien avouer que pour me faire pardonner, je m'étais tenue à carreaux pendant un moment. Après cet incident, je ne sortis presque pas de la maison. La seule chose que je me permettais était de rester le plus souvent sur le bord des fenêtres ouvertes. J'observais la vie alentours à l'abri de l'ombre de la maison. Je profitais de la caresse du vent, des senteurs de la surface, du soleil sans mettre un pied dehors, en restant en sécurité. Et il était vrai que je me sentais désormais plus rassurée pour regarder le monde de la maison. J'observais le mode de vie des humains. Sylvia avait pas mal ronchonné (pour ne pas dire qu'elle avait presque voulu m'enfermer dans ma chambre) avant de se décider à m'expliquer ce que j'avais fait de mal et ce qui avait failli m'arriver. Elle m'avait aussi parlé de ces voitures. Pour ma défense, ses montres cuirassés n'avaient rien à voir avec les gentilles petites voitures colorées des livres d'images. Comment est-ce que j'aurais pu savoir qu'elles ne se ressemblaient pas tant que ça? On m'avait aussi expliqué que ces drôles d'engins métalliques servaient apparemment à se déplacer plus vite que sur ses deux jambes...
Je n'arrivais pas à savoir si c'était une bonne chose ou non. Tout aussi dérangeant, le fait que je m'habituais à cette vie s'ancrait en moi. J'avais déjà des réflexes. Des gestes anodins du quotidien que je répétais. En me levant, j'ouvrais la fenêtre et attendait qu'un souffle de vent m'effleure avant de descendre. Je mangeais toujours dans le même bol le matin. Je buvais toujours du jus de pomme. C'était peut être anodin. Pourtant, dès que je m'en rendais compte, je me sentais mal. J'étais en train de m'accoutumer à une vie qui n'était pas la mienne. J'étais en train de devenir humaine dans l'attitude. Sans parler du temps que je gâchais presque inconsciemment. Je le laissais me glisser entre les doigts comme les grains de sable alors qu'il m'était précieux.
Aujourd'hui, j'étais allongée sur la pelouse. J'avais passé mon après-midi ici à l'abri des regards. Sara m'avait enfin convaincu de l'accompagner alors qu'elle allait jardiner à l'extérieur, arquant que je ne risquais rien dans l'enceinte du jardin, qu'elle serait là et que personne ne me verrait de l'autre côté des barrières. Allez savoir pourquoi, j'avais été tentée. Et dès que je m'en étais rendue compte, j'avais déjà un pied dans l'herbe fraiche. Je m'étais laissée tenter malgré mes réticences, malgré mes minuscules petites craintes. Et je ne l'avais pas regretté jusqu'à présent. Sara ne m'avait pas quitté, me gardant dans son champ de vision. J'avais tâté timidement l'herbe du bout des pieds. Ce n'était pas la même texture que le sable. C'était craquant sous mes pas contrairement à la douceur du sable. Ça chatouillait ma peau dès que je m'y allongeais.
Ah! Et il y avait d'étranges créatures appelées « insectes » qui s'y cachaient. Imaginer qu'il y avait autant de petites vies dans un tel endroit était presque inquiétant. Pourtant, au bout d'un moment, je n'avais pas pu résister et j'avais fini par marcher sur cette étrange étendue verte. Sara avait entrepris de me montrer quelques gestes de jardinage, m'avait parlé de certaines fleures. Mais j'avais surtout adoré dormir allongée sur l'herbe au soleil. Comme quoi, on ne changeait pas une sirène!
Je fus réveillée en sursaut par une porte qui claqua violemment. Des pas précipités résonnèrent dans la maison avec urgence. Me redressant, j'arquais un sourcil à l'intention de Sara. La mère de Sylvia avait couvert ses cheveux d'un chapeau de paille et sa paire de gant était pleine de terre lorsqu'elle haussa les épaules en guise de réponse à ma question silencieuse. Pas du tout inquiète, elle se leva doucement tout en gardant sa pelle à la main. De la fenêtre grande ouverte, le bruit de course nous parvenait toujours. Sara s'immobilisa près de la fenêtre alors qu'une voix surgit de l'intérieur.
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Blue Océan : Seconde partie: (en suspens)
FantasyOn ne se rend compte de ce que l'on perd que lorsqu'on la perdu. Jusqu'à très récemment, cette phrase ne m'avait jamais vraiment parlé. J'avais déjà lu des lignes du même genre. J'avais déjà entendu Grand-Mère prononcer ces mots. Mais je ne m'étais...