Le refoulement des vagues tout proche. Les cris des mouettes, la caresse du soleil et d'un vent tiède. Tout cela avait un goût paradisiaque et pourtant presque ordinaire. Je n'avais aucune envie de soulever mes paupières. Je ne voulais pas être forcée de reprendre pied dans cette réalité, dans ce monde. Ces nouvelles sensations me devenaient familières, remplaçant doucement celles que l'océan m'avait toujours offertes. Effaçant lentement les derniers fragments de ce que je connaissais. Ce matin-là, je ne cherchais pas à me retourner dans mon coquillage. Je ne cherchais pas à échapper au prochain réveil de mes sœurs. Mon corps semblait avoir enfin assimilé le fait que je n'appartenais plus à l'océan. Mes dernières pensées étaient encore embrouillées. Je ne souhaitais pas me lever. Mais je savais dorénavant où j'étais.
J'étais à la surface. Pour le pire comme pour le meilleur.
J'avais beau ne pas encore être totalement éveillée, je me sentais mieux. Vraiment mieux. La tension qui habitait mon corps depuis cette nuit-là semblait avoir considérablement diminué. Je n'étais plus crispée. Je n'avais plus à me méfier de miens, des rumeurs ou de mes actes. Ici, personne ne me connaissait, ni ne me jugeait. Enfin, c'était la conclusion que je tirais de mon altercation de la veille avec Sylvia. Ce matin, tout était redevenu calme. Je ne m'expliquais pas ce changement soudain d'humeur. Je savais juste que je me sentais apaisée. Ce monde m'inquiétait toujours. Je ne savais pas comment ma situation évoluerait ici. Je ne savais pas de quoi demain serait fait, ni qui serait là pour m'aider. Et pourtant, la peur, l'angoisse et la colère semblaient avoir déserté mon sein. Mes mains accrochèrent de fins grains de sables avant de les laisser glisser entre mes doigts. Ouvrant timidement les yeux, je suivis le spectacle de ces grains dégringolant en une cascade ambrée. C'était quelque chose de simple, presque d'insignifiant. Pourtant, même une petite sirène savait que le temps s'écoulait dans un sablier. Un sourire triste effleura mes lèvres. J'étais ici maintenant.
Je me redressais maladroitement sur la plage. Un tissu glissa le long de mes épaules sans que je m'en rende vraiment compte. Le soleil réchauffait déjà le sable pour les futurs baigneurs. Les vagues jouaient de leurs écumes et de leurs fraicheurs. Je laissais mes yeux savourer cette vision. J'avais beau être ici depuis peu, je savais déjà que je ne me lasserais jamais de contempler l'océan. De jour comme de nuit, il n'avait rien de semblable. De fins éléments pouvaient tout faire varier. Il était toujours aptes à vous surprendre. Je l'avais observé désespérée, perdue, admirative, pleine d'entrain et rêveuse. Mais je m'y étais aussi montré détestable, pleine de fureur, de honte, d'animosité. Tout ce que je ne voulais pas être. A cette pensée, mes paumes se serrèrent inconsciemment sur mon cœur. Il m'arrivait encore de sentir cette masse grouillante dans ma poitrine. Certes plus petite, mais malgré tout infiniment présente. Je me souvenais également de la main de la sorcière broyant mon cœur, m'extirpant avec froideur cet amas. Mes poings se crispèrent. Le bracelet à mon poignet étincela interceptant un rayon de lumière. J'étais résolue à évoluer ici maintenant. J'en avais besoin, autant que l'air qui emplissait à présent mes poumons. J'avais une mission à remplir. Je n'allais plus fuir.
Me levant, je remarquais enfin le bout de tissu tombé sur le sable. Je le ramassais incertaine avant de regarder vivement autours de moi. Il n'y avait encore personne sur la plage. Sauf un sac à quelques mètres de moi. Je l'observais suspicieusement un moment, comme si quelque chose aller en surgir. Le tissu chaud toujours dans les mains, je fini par m'en approcher. Je ne savais pas vraiment ce que c'était. Ça ne semblait pas vivant. Mais alors qu'est ce que ça faisait ici? Le tissu était rugueux sous mes doigts, différent de celui qui m'avait recouverte. Je haussais un sourcil. Décidément, les humains étaient bien étranges pour avoir de tels objets et pour les abandonner ainsi sur la plage. Je ne touchais pas plus à cet objet. Je n'attendis pas plus.
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Blue Océan : Seconde partie: (en suspens)
FantasyOn ne se rend compte de ce que l'on perd que lorsqu'on la perdu. Jusqu'à très récemment, cette phrase ne m'avait jamais vraiment parlé. J'avais déjà lu des lignes du même genre. J'avais déjà entendu Grand-Mère prononcer ces mots. Mais je ne m'étais...