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Il y a des jours comme ça où je regrette de toutes mes entrailles que ma mère soit venue avec moi aux Etats-Unis. Des jours comme aujourd’hui à l’occurrence.

Il y a 7 ans ma mère a eu une opportunité de voyage au pays de l’oncle Sam. Elle avait été recrutée pour travailler comme enseignante de français dans un lycée de la Nouvelle Orléans et étant compris dans le package de l’offre, la possibilité de prendre ses enfants, à l’occurrence moi. J’allais oublier, en bonus dans le package toujours, la carte verte pour nous deux. Comment dire non à cela ?

Le jour où elle m’avait annoncé qu’on allait partir, je me souviens de lui avoir demandé pourquoi on partait. Elle avait une situation plutôt stable au Cameroun, ça lui arrivait d’aller à la plage pour passer du bon temps, alors pourquoi s’en aller. Ce à quoi elle répondit : « on part à la recherche d’une vie meilleure ma fille ». Si ma mère pensait qu’elle pouvait être plus heureuse à la Nouvelle Orléans qu’à Yaoundé, qui étais-je pour la contredire ? en plus à quel âge ? 15 ans ? Que je connaissais quoi à la vie à cette époque ?

Je faisais totalement confiance à ma mère alors je n’ai pas rechigné. Les quelques petites larmes que j’avais versées parce que je n’allais plus voir mes amies ont vite été essuyées lorsque je m’étais rendue compte que je partais dans le pays de Nicki Minaj et Beyoncé. – Disons que l’information « nous allons aux Etats-Unis » n’avait pas vite été analysée par mon cerveau — . Et six mois plus tard, nous avions rejoint la Nouvelle Orléans et tout son excentrisme.

Toutefois, à l’heure actuelle, je crois que ma vie à Yaoundé allait être mille fois mieux. Parce que….c’est quoi cette merde !

Je réduis la fenêtre de mon écran, puis l’ouvre à nouveau et l’horreur devant moi ne veut pas disparaitre.

Donc c’est ça la vie meilleure ? Avoir 100 000 dollars comme dettes ? Ah excusez moi, 100 055 dollars !

Je retombe sur ma chaise complètement sous le choc.

Ça fait un an que j’ai quitté l’université et un an que je m’abstiens de regarder mon solde de prêt étudiant à rembourser, me contentant juste de faire des dépôts pour réduire la somme. Et aujourd’hui, pour une fois, j’ai voulu voir à quel niveau j’en étais mais je crois que j’aurai mieux fait de rester dans le déni. Moi je m’attendais à voir un truc comme 70 000 dollars, pas 100. Voilà mon optimisme qui me met à terre. Moi qui voulais m’acheter une voiture c’est mort. Les dettes sur les dettes ? Non merci.

100 000 dollars !

Il est vrai que d’autres ont des prêts étudiants qui avoisinent les 400 000 dollars mais quand même, eux ils savent sur quoi ils comptent. Mais moi ! Je comprends maintenant pourquoi il y a plusieurs étudiantes qui sont des stripteaseuses à côté, l’université est vraiment chère. Si j’avais une paire de seins comme Cardi B j’allais me lancer, mais payer encore pour une chirurgie ? Argh. Certes ça sera un retour sur investissement mais où est ce que je vais d’abord trouver l’argent pour ça ?

Je porte mon smoothie tiède à la bouche et pense à toutes les fois où j’ai jeté mon argent à la fenêtre, oubliant que j’ai des responsabilités. Je pense à mon voyage au Cameroun et au Congo de l’année dernière. Pouah ! Elles étaient sensationnelles et les 3500 dollars dépensés en tout ne me font pas si mal.

Je soupire bruyamment. C’est comme si je vais rester avec cette dette plus longtemps que je ne le pensais. Certes vivre avec ma mère m’évite un loyer à payer, mais les salaires et opportunités d’emploi sont plus alléchants à Los Angeles qu’ à Baton-rouge ou Nouvelle Orléans.

The last minute ladyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant