KOLE

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— Kole McCoy ! Ici, la Terre qui vous appelle !

Je me réveille en sursaut.

— Vous êtes en cours, jeune homme ! Je ne sais pas ce que vous avez fait hier soir et je ne veux pas le savoir, mais une chose est sûre, vous ne terminerez pas l'année ici si vous dormez dans chaque cours. Ça ne fait que deux semaines que et vous êtes déjà un élève que l'on entend dans toutes les bouches. Alors s'il vous plaît, arrêtez vos bêtises dès maintenant.

Encore dans le gaz, j'entends à moitié ce que me dit ce prof. J'émerge doucement alors que Logan et Noam se foutent de ma gueule trois rangs plus bas.

J'les emmerde.

Une heure plus tard, nous sortons de ce cours pourri. Les gars me narguent en arrivant dans mon dos et nous nous dirigeons sous leurs moqueries vers la cafète'. En quelques minutes, le tour est joué. Nous avons nos commandes et partons nous installer dans les gradins du gymnase pour éviter la foule du réfectoire. Trop de monde, pas assez de places.

Proche du gymnase dédié au badminton, une furie déboule vers nous et me bouscule fortement.

Quelle connasse !

— Oh, pardon, s'excuse-t-elle rapidement en relevant la tête, en pleurs.

Carly.

Elle repart aussitôt et... et je lui cours après. Étrangement.

— Kole !

— Kole qu'est-ce que tu fous ?

— Elle va bien ? enchaîne Noam.

Je ne peux pas leur répondre mais je continue ma course.

Ne me demandez pas pourquoi mais je me suis senti poussé pour la rejoindre, comme si on me demandait de la rejoindre et de l'aider, de la rassurer.

Elle ne s'arrête vraiment pas et semble à peine essoufflée lorsqu'elle tourne à l'angle du gymnase. Quelques mètres plus loin, cachée de la vue de tous, je découvre un petit renfoncement dans lequel elle se réfugie. Quand je l'atteins, elle y est recroquevillée et sanglote à chaudes larmes. Je m'accroupis, fais en sorte qu'on ne me voit pas de l'extérieur du trou.

Si elle s'y est mis c'est pour ne pas être vue alors n'attirons pas l'attention.

Je ne sais pas comment agir face à cette situation, mais je fais un effort et pose une main sur son genou tandis que l'autre rejoint son épaule que je caresse délicatement.

Furtivement, je sors mon portable, ouvre une nouvelle note et inscrit mon message :

Comment vas-tu ? Que se passe-t-il ?

Je tapote doucement son genou afin qu'elle lise, mais elle envoie balader mon portable dans le renfoncement étriqué, furieuse. Elle repose sa tête dans ses genoux et ses pleurs reprennent de plus belles. Je ne sais pas ce qu'il m'arrive, mais, comme par instinct, je l'enlace doucement. Elle aussi semble surprise.

Ça ne se reproduira plus jamais, sois en certaine, Carly Holloway.

Un temps passe. Peut-être deux. En tout cas c'est long, très long. Je commence à avoir une crampe à la jambe d'être accroupi bizarrement, surtout dans un si petit endroit, mais je ne bouge pas et reste dans ses bras qu'elle a fini par glisser sous mes aisselles. Ses sanglots se sont taris et ne reste plus que ses reniflements dégueulasses sur mon épaule.

Soudain et très lentement, elle redresse la tête afin de me faire face. Elle est proche. Tellement proche que son nez plein de morve n'est qu'à quelques centimètres du mien. Elle m'observe. Mes yeux, d'abord, puis mes cheveux et mes pommettes et, enfin, elle finit par glisser son regard sur mes lèvres.

— Embrasse-moi, chuchote-t-elle contre ma bouche.

Je m'étouffe avec ma salive et la repousse vers le fond, alors que je tombe sur les fesses.

Pardon !

Mais elle a perdu la tête !

On se dé-teste.

— Aïe ! Mais ça va pas la tête ! Me repousse pas comme ça, je me suis fait mal !

Mais c'est elle, ça va pas la tête !

Je lui fais les gros yeux pour lui faire comprendre.

— Ah, non ! C'est pas moi ! Et puis, putain, mais parle à la fin, tu me saoules !

Je me redresse, ramasse mon portable et, alors que j'allais partir, elle a eu le temps de se relever et de me plaquer contre le fond du renfoncement.

Madame a de la force à ce que je vois.

— Sors avec moi !

Elle est folle, ma parole !

— Allez, s'te-plaît ? Pose pas de question, accepte simplement ! s'excite-t-elle alors que je n'ai aucune intention de dire oui.

Elle me fixe attendant une réponse positive de ma part qui ne vient pas.

— Allez ! Tu es vraiment un chieur !

Je la retourne et inverse notre position, me laissant le total plaisir de glisser ma main sur son cou et de m'y agripper, jouant avec de légères pressions. Encore une fois, ne me demandez pas ce qu'il me prend, mais soudainement mes yeux glissent sur son visage, comme elle auparavant. Mes yeux glissent sur ses lèvres pulpeuses. Brusquement, mon corps est attiré par le sien comme un aimant par du métal. Je fonds sur ses lèvres et l'embrasse sentant le sel laissé par ses larmes.

Ça dure quelques secondes. Quelques minutes.

Mais qu'est-ce que je fais !

Je l'envoie une nouvelle fois balader coupant notre baiser. Violemment cette fois-ci. Tellement qu'elle se tape l'arcade sourcilière gauche.

Je la rattrape aussitôt en la voyant vaciller. Je redresse son visage, sous son regard étrangement tendre, pour inspecter sa blessure. Elle saigne. Beaucoup. Avec une douceur qui m'est inconnue, je l'assoie et sors en vitesse ma trousse de secours que je garde constamment dans mon sac de sport.

On ne sait jamais ce qu'il peut arriver sur le terrain.

Je sors le nécessaire. Le plus délicatement possible, j'applique le coton imbibé d'alcool sur sa plaie. Elle tique et dégage son visage.

Quand elle se tourne vers moi, je peux lire dans son regard la surprise qu'elle ressent face à mes gestes.

— Sors avec moi, chuchote-t-elle.

Je ne sais pas pourquoi mais sa présence m'agace autant qu'elle me détend. À son contact, je redeviens moi, le moi d'avant.

— Chuuut, je lui intime en agrippant son menton afin de continuer de la désinfecter.

Elle est surprise qu'un son sorte de ma bouche et quand je la vois ouvrir la sienne pour parler je place mon index sur ses lèvres l'empêchant ainsi de le faire. Sa plaie devenue visible sous le sang que je viens d'essuyer, je place un pansement proche de la naissance de ses cheveux.

Je lui souris. Elle, non. Elle reste bloquée sur ma bouche qui a émis un son. Elle ne bouge pas. Nous restons comme cela à s'observer mutuellement. Elle caresse mes lèvres délicatement. Presque hypnotisée.

The Silent BoyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant