L'Autre

Chapitre 5

C'est une voix d'homme que je parviens à identifier avant de voir son visage. Des boucles brunes dans lesquelles j'ai tant aimé passer mes mains, de merveilleux yeux aiguës-marine que j'ai tant aimé voir poser sur moi et tout doucement s'éloigner. Cet homme a le même visage que « lui ». 

« Ça m'étonne de te voir ici . Je commençais à penser que tu t'étais finalement lassé.   
- Toujours aussi imbécile à ce que je vois. Tu crois peut-être que j'ai besoin de jouer de grands « Freak Show »  ridicules pour le protéger ? Tu es aussi ridicule que celle que tu protèges. 
- Ôte-toi de mon chemin ! 
- Tu sais bien que je suis le plus fort de nous deux. Tu ne tiens pas la route ! 

Je n'arrive plus du tout à comprendre à quoi j'assiste. Pourquoi nos reflets sont-ils en train de se faire face. Je suis tellement hors du monde que j'arrive étrangement à garder un peu d'esprit, mon vrai « lui » reprend tout faiblement ses esprits. Il m'appelle doucement. 

Il a une longue trace de sang sur le front, j'ai peur d'un traumatisme crânien, mais que puis-je faire ?!

J'essaye de le rassurer même si je lui mens. Il arrive à peine à ouvrir les yeux, il faut absolument qu'on se sauve d'ici ! 

Les portes de la voiture sont brisées, il a du mal à me répondre, on ne peut pas s'enfuir, voilà la vérité… Moi, je le peux, mais je ne veux pas m'enfuir. 

J'entends au loin le grondement de nos deux démons. 

« Tu l'as brisé et tu crois vraiment que je peux laisser passer une chose pareille, tu l'as brisée sans cesse. Tu n'es qu'un poids qui ne comprend rien ! 
- Tu n'es que faiblesse et tu crois que le monde tourne autour de tes illusions. Moi aussi, je ne veux plus m'occuper des lubies. Ses peurs, ses angoisses ne valent rien. Elle est seule dans son petit monde idiot et toi, tu l'encourages à croire qu'elle a la force de résister alors qu'elle ne prend que des décisions puériles, vous n'êtes pas fait pour la vérité ! Laisse-moi faire, j'ai assez de pitié pour terminer ça rapidement.

J'entends mon compagnon sortir de l'abîme tout doucement.

« Luna… Il faut que tu coures, cours le plus vite possible, ne te retournes pas. 
- Jamais, je ne te laisserai ici, Je t'en supplie, viens avec moi ! » 

Des larmes commencent à se mélanger au sang de son visage

C’est la dernière chose que je te demanderais. Prends soin de toi ! Je t'aime Luna ! » 

Ça ne se passera pas comme ça !  Jamais je ne laisserai ça, je préfère me battre, me battre jusqu'à ce que mon dernier battement de cœur résonne, jusqu'à ce que ma dernière étincelle illumine cette nuit sinistre.  J'entends les discussions sinistres se poursuivre de l'autre côté. J'entends son reflet vociféré.

« Affronte-moi alors. Bats-toi comme tu l’as toujours voulu, essaye, tu ne peux réussir ! ». 

Je m'avance vers ces voix vengeresses. Je n'ai pris qu'un petit tesson de métal qui en toute sincérité ne me servirait pas à grand-chose. Je ne sais pas tout à fait ce que je fais, mais je dois essayer, je ne peux pas entrer sans hurler dans la nuit.

« Je vous pardonne ! Je sais ce qu'on a fait. Je sais qu'on vous a réveillé tous les deux par nos horreurs et nos émotions jetées au rivage. J'ignore si vous êtes des anges ou des démons, mais nous sommes juste des humains ! Nous avons été faibles, nous avons été stupides, mais nous avons fait ce que nous avons pu ! Peu importe ce que vous comptez faire, je saurai me battre jusqu'à mon dernier souffle pour vous empêcher de vous en prendre à nous. »

C'est le silence, un silence que seul le vent froid vient perturber. Elle s'adresse à moi.

« Est-ce que c'est bien ce que tu veux vraiment ?

– J'en suis certaine ! »

Un sourire se met à illuminer son visage.

«-Tu es finalement bien plus forte que tu l'imagines. Dors bien jeune humaine. »

Mes yeux se ferment doucement. Je ne l'avais pas remarqué avec l'adrénaline, mais je suis couverte de sang. Serait-ce la fin ?

«- Je crois qu'on aurait dû utiliser une autre méthode, mon cher collègue. Je trouve ça un petit violent quand même. Tu as intérêt à avoir de meilleures idées la prochaine fois ! »

Je m'endors sur cette voix, cette voix sur qui j'ai tant compté.

«- Tu as joué ton rôle à merveille pourtant ! »