L'Autre

Chapitre 3

Les vapeurs de l'alcool me montent à la tête. J'ouvre la fenêtre de la voiture pour essayer d'avoir un peu d'air. Il fait nuit noire et je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est. Mon compagnon est au volant et j'ai l'impression que nous roulons beaucoup trop vite. Son regard est froid comme de la glace. Il me fait peur. J'essaye de lui adresser la parole de manière craintive 

« Mon cœur, ça va ? »
 
Il ne me répond pas tout de suite, mais finit par me lâcher

« Mais qu'est-ce que tu veux que je te dise ?! Tu t'es regardé deux secondes, tu pues l'alcool et tu as juste réussi à te rendre ridicule ! Puis pourquoi il faut que tu ailles squatter avec le 1ᵉʳ idiot de la soirée ?!

« Tu peux garder ta jalousie, je faisais que discuter, merde ! 
– C'est sûr qu'il voulait discuter lui, tu es naïve ! Tu te mets en danger pour rien, c'est ça qui me soûle, je dois toujours surveiller une enfant fragile !
 – Je ne suis pas une enfant !
 – Alors arrête ! Arrête de te comporter comme si le monde devait tout le temps prendre soin de toi »

La colère commence à remplacer ma peur et je fais de gros efforts avec l'alcool pour ne pas me transformer en furie et lui offrir des vérités qu'il n'est certainement pas près d'entendre.

Nous traversons une petite route de foret ou personne ne pourrait nous entendre, mais ce n'est pas la peine que je hausse le ton, d'autant plus que mon mal de tête s'intensifie de plus en plus.

J'ai toujours fait tourner tout mon petit monde depuis toujours autour de lui, c'est injuste ! J'ai juste envie de ne plus voir, de ne plus rien dire et ne plus rien entendre, juste tout caché dans cette petite boite usée qui me sert de cœur. J'aurais dû boire un peu plus pour éviter encore de tout comprendre à ma propre bêtise. Je suis juste fatiguée...

Nous continuons à rouler dans un silence des plus pesants. Mes mains sont engourdies et une étrange sensation de chaleur parcourt tout mon corps, comme si mon sang se mettait à chauffer dans mes veines. C'est étrange... Je n'ai jamais ressenti ça auparavant. Je n'arrive plus du tout à mettre un mot sur ce que je ressens, mais c'est comme si mon être commençait à se mettre à se consumer, ça me parait pourtant si agréable. 

La conduite de mon compagnon devient de plus en plus saccadée, est-ce que l'on est bientôt arrivé ? Son visage est toujours aussi impassible et les arbres dans la nuit noire des maigres fards de sa voiture sont les seuls témoins de ce triste spectacle. Les routes de campagnes ont toujours été particulières, toujours mal conservés, remplies de trous et très désagréable à prendre, mais pourquoi ont-ils mis un rond-point en plein milieu de celle-ci ?! Il prend le virage d'un coup sec et je manque de prendre la vitre sur le visage. Qu'est-ce qui se passe ?! Il n'y a qu'une seule sortie, il la rate et je hurle ! 

« Mais qu'est-ce que tu fais !? »

Son regard est complètement terrifié et mon sang qui s'était réchauffé vient de se glacer d'un coup

« Je ne gère plus rien Luna ! Aide-moi ! »

Je ne sais pas quoi faire, je m'accroche à la moindre chose que je peux, en panique totale. Soudain la voiture s'arrête d'un coup, je me cogne violemment la tête, la douleur me fait voir flou, mais ce que je peux encore apercevoir c'est une silhouette semblant s'approcher de notre voiture sur cette longue route au loin.