IGEON
イゲオン„ 𝙲𝚎𝚛𝚝𝚊𝚒𝚗𝚎𝚜 𝚙𝚊𝚛𝚘𝚕𝚎𝚜 𝚘𝚗𝚝 𝚕'𝚒𝚖𝚙𝚊𝚌𝚝 𝚍'𝚞𝚗 𝚌𝚘𝚞𝚙
𝚍𝚎 𝚙𝚘𝚒𝚗𝚐 𝚎𝚗 𝚙𝚕𝚎𝚒𝚗𝚎 𝚏𝚒𝚐𝚞𝚛𝚎. "Tokyo, Japon.
fin mai 2000Appuyé contre le mur, en face d'un passage piéton d'Ikeburo, un carton coincé sous mon aisselle et ma hanche, je sors une Kool de ma poche. Je redéfinis son extrémité légèrement écrasée, puis la glisse entre mes lèvres avant de l'allumer. Je tire une première taffe, espérant ardemment que la condensation ne l'éteigne pas. À mesure que le temps passe, cette merde devient de plus en plus onéreuse. Payer quelques dizaines de yens pour accélérer notre rencontre avec la Faucheuse ; j'esquisse un rictus fantomatique face à cette stupide addiction.
La journée de libre, j'ai zoné sur mon matelas jusqu'à dix-sept heures, de mauvaise humeur. Maintenant, tout semble m'arracher les nerfs.
D'un air taciturne, je scrute les trottoirs, puis la pomme verte dans ma main. J'ai envie de la croquer, de trancher les mots en deux et de les avaler. Mais je ne peux pas. Alors, je la lance en l'air avec une lassitude non mâchée. Ça me donne l'allure d'un imbécile, comme un idiot fini à la pisse. Quelques longues secondes passent avant que je la rattrape une dernière fois, interrompu par le vibreur de mon téléphone dans ma poche.
Mon client est là.
J'expulse ma cigarette, immédiatement éteinte par la bruine. Entre mes doigts, je mets en évidence mon pseudo écrit au marqueur sur la peau du fruit pour qu'il puisse me reconnaître.
C'est kitsch, mais je n'avais pas d'autre idée pour me démarquer. J'ai pris le premier truc inutile qui traînait chez moi.
En me déplaçant, je dévisage les passants à la recherche d'un homme sous un parapluie rouge. Finalement, j'en repère un à l'intersection du trottoir. Lorsqu'il m'aperçoit aussi, il agite la main, tandis que je réprime à peine un soupir agacé envers ce tocard.
Sans tarder, il traverse au feu vert et se plante devant moi. Son attention s'attarde déjà sur le carton, la tête inclinée. En le voyant de plus près, je marque un temps d'arrêt en réalisant son âge, ne m'attendant pas à... ça.
- C'est bien toi blue-cat ? demande-t-il si bas, que sa voix est étouffée par le moteur des véhicules.
- Tu as l'argent ? interrogeai-je sans répondre à sa question, tout en repoussant son visage, mon index pressé contre son front.
Il sursaute légèrement, surpris par la sécheresse de mon geste, avant de relever les yeux vers moi.
- Ah oui...c'est vrai... zozote-t-il, comme s'il avait oublié.
Il sort son porte-monnaie de sa poche, laissant échapper quelques reçus de banque neufs. La pluie les noie, l'encre se met déjà à baver. Pendant qu'il fouille à l'intérieur, je le sonde attentivement, zieutant sa silhouette à l'allure douteuse. Mais la seule chose que je retiens, c'est qu'il porte un teeshirt Castelvania, malmené par le temps. Cette série de jeux vidéo est sortie quand j'avais à peine sept ans. Monsieur est visiblement adepte du rétro, au point que son vêtement menace de se désagréger. Je plisse les yeux ; le col est marqué par une tache de dentifrice, à peine dissimulée sous un casque, d'où s'échappe un leakage sonore qui doit sans doute lui massacrer les tympans. Intrigué malgré moi, je tends légèrement l'oreille, captant les premières notes de l'opening de The Legend of Zelda.
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FOOLS
De Todo𝚃𝚘𝚔𝚢𝚘, 𝙹𝚊𝚙𝚘𝚗. 𝐕𝐢𝐨𝐥𝐞𝐧𝐜𝐞, 𝐝𝐞́𝐥𝐢𝐧𝐪𝐮𝐚𝐧𝐜𝐞, 𝐜𝐫𝐢𝐦𝐢𝐧𝐚𝐥𝐢𝐭𝐞́ : tels étaient les trois maux qui ont rythmé l'adolescence d'Igeon avant qu'il ne soit condamné à quatre ans de prison. À sa libération, il aspire à une nouve...