[ „4" ] LAIN

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LAIN
レイン

„ ..𝚅𝚊𝚕𝚜𝚎 𝚎́𝚙𝚘𝚞𝚜𝚝𝚘𝚞𝚏𝚕𝚊𝚗𝚝𝚎
𝚅𝚊𝚕𝚜𝚎 𝚍'𝚎́𝚙𝚘𝚞𝚟𝚊𝚗𝚝𝚎.."

Tokyo, Japon.
Institut de danse Ostrof, avril 2000



La pendule de la grande horloge principale entame une lourde oscillation de droite à gauche, tandis que mes membres tremblent encore et que ma gorge est prise d'une sécheresse exacerbée.

Figée sur place, mes yeux restent accrochés aux noms des rôles principaux pour Giselle.

Giselle : Lain Ogawa
Doublure de Giselle : Nana Tachibana
Albrecht : Renjiro Ishikawa
Hilarion : Kento Miyazaki
Myrtha : Hinae Nagano
Doublure de Myrtha : Emiko Hoshino
Les Wilis : Corps de ballet
Les villageois : Corps de ballet

Deux heures se sont écoulées depuis la fin des auditions, mais le stress reste ancré, niché dans un coin de mon estomac.

Pourtant, je l'ai eu. J'ai décroché le rôle principal.

Je suis Giselle.

C'est inscrit noir sur blanc sur ce papier épinglé. Mais à force de l'observer comme une mauvaise plaisanterie, les lettres se mettent à crépiter, et à se brouiller, ne devenant plus qu'un dégoulinement de taches sombres.

Derrière moi, des pas feutrés foulent la moquette rouge. Je dévie mollement le regard et croise celui de Renjiro. Ses cheveux, encore humides, sont tirés en arrière de manière désinvolte. Les mèches éparses sur sa nuque, trahissent l'utilisation d'un peigne aux dents trop espacées.

C'est lui qui interprétera le rôle d'Albrecht ; ce noble qui se fait passer pour un villageois et qui tombe amoureux de Giselle.

Contrairement à Giselle ou à Myrtha, Albrecht n'a pas de doublure. Faute de garçons en nombre insuffisant à l'institut.

En l'an 2000, le ballet masculin n'est pas encore accepté.

Le ballet, est l'art de danser avec grâce sur des morceaux classiques, et rien de plus. Pourtant, cette pratique comporte des risques pour eux ; les ballerinos sont souvent étiquetés de termes péjoratifs tels que "tafiole", "travelo", ou "pédé", simplement parce qu'ils ne correspondent pas aux stéréotypes sociaux. Ils subissent alors rejet, moqueries, et parfois même violence physique.

Frappés, tabassés, rués de coups.

Ils sont marginalisés jusqu'à ce qu'ils se conforment aux codes de la masculinité, aux codes des "vrais hommes".

Mais c'est tout bonnement misérable. Il n'y a rien de plus beau qu'un garçon qui danse.

Renjiro m'adresse un clin d'œil avant que son corps élancé ne franchisse les portes de l'institut. Reléguant la liste à l'oubli, je m'approche des vitres embuées pour le suivre du regard, jusqu'à ce qu'il s'efface.

Me laissant ensuite distraire, je griffonne des bizarreries sur la vitre, traçant ici et là quelques spirales, avant de souffler pour les voir disparaître comme des fantômes éphémères. Je dessine alors un sourire un brin niais, mais la buée nocturne le distord avec célérité.

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