[ „3" ] IGEON

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IGEON
イゲオン

𝙻𝚎𝚜 𝚖𝚊𝚞𝚟𝚊𝚒𝚜𝚎𝚜 𝚑𝚊𝚋𝚒𝚝𝚞𝚍𝚎𝚜 𝚙𝚎𝚛𝚜𝚒𝚜𝚝𝚎𝚗𝚝
𝚜𝚊𝚗𝚜 𝚓𝚊𝚖𝚊𝚒𝚜 𝚟𝚛𝚊𝚒𝚖𝚎𝚗𝚝 𝚜'𝚎𝚏𝚏𝚊𝚌𝚎𝚛. "

 
Tokyo, Japon.
avril 2000

Sentant mes paupières s'alourdir en plein après-midi, je me frotte les yeux, comme un enfant qui lutte contre le sommeil après une sieste écourtée. Le temps accentue ma pénible torpeur. Les nuages noirs engloutissent le soleil, tricotant l'illusion d'un début d'éclipse. Il fait sombre mais les réverbères éclairent de façon bancale la ruelle, constituant la seule source de clarté dans ce paysage morne.

À Tokyo, durant l'hiver, la nuit tombe même en plein midi. La capitale est en dépression saisonnière et elle pleut, lorsqu'elle pleure.

Ici, tout est similaire à Nagoya : les saisons ne varient pas, le climat est lourd, et cette monotonie me fait vriller à vingt et un ans.

De l'autre côté de la rue, un panneau affichant les gros titres des journaux hebdomadaires clignotent et scintillent lentement. Je plisse les yeux pour essayer de déchiffrer les nouvelles de cette semaine.

« 𝐓𝐑𝐀𝐆𝐄́𝐃𝐈𝐄 𝐀𝐔 𝐊𝐀𝐍𝐒𝐀𝐈 : 𝐋𝐄 𝐁𝐈𝐋𝐀𝐍 𝐃𝐄𝐒 𝐕𝐈𝐂𝐓𝐈𝐌𝐄𝐒 𝐒'𝐀𝐋𝐎𝐔𝐑𝐃𝐈𝐓 𝐀𝐏𝐑𝐄̀𝐒 𝐋𝐄 𝐒𝐄́𝐈𝐒𝐌𝐄 »

« 𝐄𝐍 𝐂𝐎𝐔𝐋𝐈𝐒𝐒𝐄𝐒 : 𝐀𝐔𝐃𝐈𝐓𝐈𝐎𝐍𝐒 𝐏𝐎𝐔𝐑 𝐋𝐄 𝐒𝐏𝐄𝐂𝐓𝐀𝐂𝐋𝐄 𝐃𝐄 𝐃𝐀𝐍𝐒𝐄 𝐃𝐄 𝐋'𝐈𝐍𝐒𝐓𝐈𝐓𝐔𝐓 𝐎𝐒𝐓𝐑𝐎𝐅 𝟏𝟑 𝐀𝐕𝐑𝐈𝐋 𝐒𝐀𝐌𝐄𝐃𝐈 𝟐𝟎𝟎𝟎 »

« 𝐋𝐀 𝐒𝐄́𝐑𝐈𝐄 𝐃𝐄 𝐒𝐔𝐈𝐂𝐈𝐃𝐄 𝐀𝐔 𝐉𝐀𝐏𝐎𝐍 𝐒'𝐀𝐋𝐋𝐎𝐍𝐆𝐄 : 𝐐𝐔𝐀𝐍𝐃 𝐋𝐄 𝐒𝐓𝐑𝐄𝐒𝐒 𝐏𝐑𝐎𝐅𝐄𝐒𝐒𝐈𝐎𝐍𝐍𝐄𝐋 𝐂𝐎𝐍𝐃𝐔𝐈𝐓 𝐍𝐎𝐒 𝐂𝐎𝐋𝐋𝐄̀𝐆𝐔𝐄𝐒 𝐀𝐔 𝐃𝐄́𝐒𝐄𝐒𝐏𝐎𝐈𝐑 𝐔𝐋𝐓𝐈𝐌𝐄 »

Paresseusement, je me frotte de nouveau les yeux.

Les Tokyoïtes semblent s'éteindre doucement lorsqu'ils sont épuisés. Pourtant, l'ironie cruelle réside dans ce paradoxe : c'est le sommeil éternel qui, en vérité, devient l'ultime source d'épuisement.

On pense que la vie se termine avec la mort, mais la mort est le véritable début de la vie.

Une pensée digne d'un grand philosophe qui me donne envie de me curer l'oreille par ennui.

Ce fonctionnaire mort a, d'une certaine manière, démissionné définitivement de son poste, et je sens que je vais bientôt faire de même avec le mien. C'est déjà mon troisième emploi en quatre mois, et je n'ai toujours pas réussi à en tirer assez pour vivre correctement. À chaque fois, c'est la même rengaine : je me fais toujours renvoyer pour les mêmes erreurs. Même après quelques jours dans ce trou à rats, je n'arrive pas à trouver mon rythme. Mes épaules sont en plomb, mes muscles crevés, et mes mains fripées, imprégnées de cette odeur d'alcool qui s'incruste dans mes vêtements, même à travers le tablier de plongeur que je porte.

L'odeur persiste tant, qu'elle me suit aussi en dehors du travail ; il suffit que je transpire un peu pour qu'elle réapparaisse.

FOOLSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant