Chapitre 4

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La soirée avait été... éprouvante. Découvrir tant sur le mariage nébuleux de sa tante, qu'elle était celle qui finançait l'institut pour aider les jeunes filles à se préparer pour un mariage trop grand pour elles et leur éviter la honte, l'humiliation, et tout ce que sa tante n'osa dire qu'à demi-mot si jamais elles échouaient dans leur rôle, et découvrir que si Aliénor était prête à se montrer en société elle était loin de l'idée du rôle d'épouse intime qu'elle allait devoir être pour Thibault de Blois, lui donnait le tournis.

Les deux femmes de chambre prêtaient pas sa tante l'aidèrent à se dévêtir mais pas de ses troubles. Elles avaient allumé un feu dans la cheminée, le mois de mai refusant de laisser place à des soirées plus chaudes. Se glissant dans ses couvertures, Aliénor fut toutefois ravie de pouvoir enfin se reposer. Le voyage en carrosse lui aura fait revivre des souvenirs qu'elle aurait préféré laisser au fond d'elle et sa tante lui aura fait ressentir plusieurs émotions en la laissant toujours pleine d'appréhension. D'une toute autre nature, cependant. Madame de Saint-Clair, bien qu'elle ne l'ai vu qu'une soirée, était vraiment un personnage. Franche, directe, émouvante, bienveillante, cynique, abîmée aussi bien physiquement que mentalement, forte, égale à elle-même. Aliénor l'admirait et espérait être aussi déterminée qu'elle au même âge. Regardant les flammes de la cheminée faire des ombres au-dessus de son lit, elle s'endormit avec en fond le bruit des bûches qui craquent.

**

Aliénor fut réveillée, apprêtée et prête à repartir dès 7h le lendemain. Sa tante l'attendait déjà dans le petit salon de la veille, petit déjeuner terminé et bagages déjà en train d'être montés dans le carrosse par ses femmes et valets de chambre. 

- Bonjour Aliénor, vous avez bien dormi ?

Aliénor sourit, encore dans les vapes mais ne devant absolument rien montrée. Elle prit place en face et fut surprise de tomber nez à nez avec le journal local. Lisant son étonnement, Madame de Saint-Clair éclata de son petit rire enroué : 

- Il n'y a pas d'homme ici pour me tenir informer de ce qu'il se passe au-dehors, je suis donc bien obligée de lire le journal moi-même. 

Se disant, elle retira des gants mauves tâchés d'encre qu'Alinéor n'avait pas vu. 

- Mais je fais toujours ça avec prudence. Bien, je vous laisse petit déjeuner. Nous partirons dès que vous serez prête. En attendant, je vais terminer de donner mes dernières instructions à mon personnel. 

Céline de Saint-Clair, sur ses mots, brandit sa canne et prit congé de sa nièce. Cette dernière faillit laisser s'échapper un soupir de soulagement tellement l'idée de suivre de nouveau le flot de paroles de sa tante ne l'enchantait guère. Une corvée en moins, se surprit-elle à penser. De moins ? Comment ça de moins ? A quel liste de corvée faisait-elle allusion ? Son mariage constituait-il une corvée égale à celle d'écouter sa tante s'épancher et s'émouvoir ou celle de supporter une journée de plus en carrosse ? Chassant vite l'idée de son esprit, Aliénor s'empressa d'avaler de quoi tenir jusqu'à midi pour éviter de connaître la réponse.

Ce mariage était son destin, pas une corvée.

**

Madame de Saint-Clair s'assoupit presque immédiatement, laissant à Aliénor le soin de faire de même. Mais l'excitation de revoir ses parents et ses deux petits frères la tenaient éveiller, de même que celui d'embrasser enfin son destin de futur femme mariée, femme de ministre, parmi les épouses les plus scrutées et comparées de la cour du roi, mère de futurs hauts dignitaires du royaume probablement et de filles qui iront certainement, comme elle, se préparer à leur grand mariage à l'institut fondé par sa tante et Madame de Lieutenon. Tout cela lui donnait le vertige. L'appréhension restait toujours tapit quelque part dans ce flot de pensées mais c'était l'excitation qui gagnait du terrain au fur et à mesure que les paysages défilés et qu'elle reconnaissait sa Normandie natale.

La rose et le glaiveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant