Chapitre 4 : Un sinistre passé

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Le docteur Canibalor venait de me raccompagner à la salle 242. Celle-ci était toujours sens dessus dessous, mais le plafond était bien en haut cette fois. Le médecin ne semblait pas remarquer quoi que ce soit d'anormal. Voilà qui était étrange. La logique aurait pourtant voulu qu'il s'étonne de trouver la salle dans cet état et qu'il se demande ce qui s'était passé. Il n'y avait plus aucune trace du ver de terre géant, ce qui me confirmait qu'ils'agissait en fait du produit de mon imagination. J'espérai que l'on me guérirait vite avant que je devienne aussi folle que Zoé.

— Tu peux te rhabiller, Wendy, m'informa le docteur Canibalor. En attendant, je vais m'entretenir avec tes parents.

Il sortit, me laissant seule. Je m'apprêtai à ramasser mes habits, quand j'aperçus de vieux journaux qui traînaient par terre. J'en pris un ayant Horreur à l'hôpital en gros titre. Je commençai à lire l'article.

Une enquête policière a permis de découvrir l'existence d'horribles pratiques à l'hôpital de Moislains. Le personnel prélevait fréquemment les organes de leurs patients pour les revendre au marché noir. Pour chaque patient opéré, il y avait systématiquement au moins un organe vital de prélevé, pour être sûr qu'il en meure et ne puisse plus rien raconter. L'horreur ne s'arrête pas là ! Ayant appris que le sinistre secret de leur hôpital était découvert, les médecins et chirurgiens ont décidé d'agir, avant l'intervention de la police, en exterminant tous les patients qu'il leurs restait, de même que les visiteurs présents à ce moment-là. Soit en les brûlant vifs, soit en les décapitant. Les têtes ont ensuite été accrochées aux lampes, en guise de décoration. Pour finir, le docteur Canibalor, l'un des médecins les plus impliqués dans cette boucherie, a tué tous ses collègues avec un fusil, avant de se pendre.

Le journal datait d'il y a plus de trente ans. J'en pris un autre, paru quelques jours plus tard. Cette fois, l'article principal était intitulé :

Fermeture de l'hôpital

Je lu le début.

En raison des sinistres événements ayant eu lieu à l'hôpital de Moislains, cet établissement est désormais officiellement et définitivement fermé. Sa démolition est prévue, mais pour une date qui reste à déterminer. Pour l'instant, personne ne sait quoi construire à la place sur son emplacement. Pas question de construire des habitations dessus ! a déclaré le maire de Moislains. Je ne veux pas que des gens vivent sur le lieu qui fut témoin du pire carnage que la commune ait connu !

Il a visiblement déjà oublié ce qu'il s'est passé dans sa maison l'année dernière.

Comment tout cela était-il possible ? me demandai-je. L'hôpital de Moislains ne pouvait pas être fermé puisque je m'y trouvais en ce moment même. Quant au docteur Canibalor, je venais de le voir et il avait l'air de se porter plutôt bien pour quelqu'un censé être mort. En y réfléchissant, il y avait une explication toute simple. Je ne me trouvais pas dans le même hôpital que celui dont parlent les journaux. En l'espace de trente ans, il y a largement eu le temps qu'un nouvel hôpital soit construit à Moislains. Quant au docteur Canibalor que j'avais rencontré, ce ne devait pas être le même que celui mentionné dans le premier journal, mais quelqu'un de sa famille, d'où leur nom identique. Je me rhabillai et sortis dans le couloir. J'entendis des voix en provenance de la salle 240. Je m'approchai de la porte et écoutai la conversation.

— Je suis ravi que vous acceptiez de me vendre Wendy, déclara le docteur Canibalor. Elle fera un excellent cobaye ! Mais êtes-vous vraiment sûrs de vouloir la vendre ?

— J'en suis sûre et certaine, lui répondit son interlocutrice.

C'était la voix de ma mère.

— D'autant plus que vous nous en proposez un excellent prix ! ajouta une autre voix, celle de mon père.

— Après, vous ne reverrez plus jamais Wendy, les avertit le docteur Canibalor.

— Vous croyez vraiment qu'on a envie de la revoir ? lui demanda ma mère. La seule chose qui nous intéresse la concernant, c'est l'argent qu'elle va nous rapporter.

— Alors voici vos cinq euros et Wendy est à moi désormais ! conclut le docteur Canibalor.

Je m'éloignai de la salle 240. Ce que je venais d'apprendre ne me réjouissais guère. Mes parents m'avaient vendu comme cobaye pour cinq euros, ce qu'ils estimaient être un excellent prix. Maintenant je savais que pour mon père et ma mère, je ne valais pas plus de cinq euros.

— Wendy ! Viens par ici ! m'appela quelqu'un.

La voix venait d'une chambre dont la porte était entrouverte et portant le numéro 205. Cette personne m'avait déjà appelé tout à l'heure, mais Zoé était arrivée avant que je puisse la rejoindre. J'entrai dans la chambre. Elle était déserte. Le seul meuble présent à l'intérieur était un lit avec un matelas éventré. Je m'approchai de la fenêtre et regardai dehors. Il faisait nuit noire et il pleuvait encore. Je me retournai. Les lampes s'éteignirent et se rallumèrent une seconde après. Je poussai un cri de surprise. Il y avait désormais, en face de moi, une fille nue, avec une grande cicatrice sur le ventre qui allait de son nombril jusqu'au cou. Elle n'était pas là avant que les lampes ne s'éteignent, lesquels étaient pourtant restées éteintes bien trop peu de temps pour qu'elle puisse arriver et s'approcher de moi à ce point aussi vite.

— Je suis Yoko, se présenta-t-elle. Je suis morte alors que je n'avais que neuf ans. Ils m'ont pris tous mes organes internes ! Regarde !

Elle posa ses mains sur son ventre et enfonça ses doigts dans sa cicatrice qu'elle ouvrit en grand, me montrant ainsi l'intérieur de son ventre. Effectivement, il n'y avait plus rien à l'intérieur, à part les os de la cage thoracique. Les lampes s'éteignirent à nouveau.

— Donne-moi tes organes internes pour remplacer les miens ! me supplia Yoko.

Les lampes se rallumèrent. À l'intérieur du ventre de Yoko, il y avait désormais des tentacules rouges qui en sortirent et me ligotèrent. Immobilisée, je ne voyais plus qu'une seule solution pour me tirer de ce mauvais pas.

— Docteur Canibalor ! criai-je de toutes mes forces. Venez vite !

Le docteur Canibalor fit irruption dans la chambre. Je me doutais bien qu'il ne laisserait personne d'autre que lui me tuer alors qu'il m'avait acheté comme cobaye au prix exorbitant de cinq euros. Les tentacules me relâchèrent et retournèrent à l'intérieur de Yoko, laquelle referma son ventre. Cette fille s'enfuit en courant, tout en bousculant le médecin au passage.

— C'était quoi cette chose ? voulus-je savoir.

— Comme tu dois désormais t'en douter, notre hôpital fait aussi office d'asile psychiatrique, m'expliqua le docteur Canibalor. La pauvre fille que tu viens de voir est atteinte de graves malformations. Ça l'a rendu folle.

Cette révélation m'inquiétait. Je commençai à me demander si la véritable raison de ma présence dans cet hôpital n'était pas que moi aussi, j'avais sombré dans la folie.

— Suis-moi, Wendy ! Nous allons t'opérer tout de suite ! m'annonça le docteur Canibalor.

— Déjà ? m'étonnai-je. En pleine nuit ?

— Plus tôt tu seras guérie, plus tôt tu pourras partir. Je suppose que tu as hâte de quitter notre hôpital, n'est-ce pas ?

— En effet, approuvai-je.

L'hôpital de l'horreurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant