Dans l'ombre d'une autre vol 3

10, Des intrus dans le tableau

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Des intrus dans le tableau

Madame AGUILAR

Kyoto, sur l'île de Honshu

Sur mon tapis de Yoga, les mains jointes en posture de bébé, je gonfle mes poumons d'air et expire. Lentement. Mon corps se détend en s'étirant en toute délicatesse.

Au pays du soleil levant, une ville contraste fortement avec une autre, autant dans ses lettres que dans sa biodiversité. Réputée pour son patrimoine culturel important, révélateur de la culture japonaise ancestrale contrairement à la futuriste Tokyo, la capitale du Japon,  Kyoto est l'endroit où j'ai trouvé un asile vingt cinq ans auparavant.  Le lieu où j'ai trouvé refuge quand tragiquement, mon mari et l'un de mes fils ont disparu dans un effondrement montagneux à bord du train  nous conduisant vers notre terre promise. Là où, les services de renseignement ne nous retrouveraient plus jamais. Que nous disparaîtront à tout jamais pour la survie de nos fils.

Et pourtant, nos intuitions s’étaient montrées justes. Cette mission pour la liquidation du fils Del Mario n'était pas de bonne augure. Mais c'était la condition pour que la cellule nous donne notre liberté. En effet, ils avaient eu échos de nos rapprochement mais surtout de la naissance des fils que nous avions eu tant de mal à cacher. À plusieurs reprises, nous avons tenté de fuir loin d'eux. Mais à chaque fois, ils retrouvaient nos traces. Nos fils grandissaient, on ne pouvait plus les garder  cachés. Ce n'était pas la vie qu'on rêvait pour eux. 

Même si nous savions que notre union aurait créé des vagues qui nous emporteraient avec elle, nous n'avons pas pu empêcher nos âmes de fusionner malgré l'interdit. Des agents doubles n'ayant pas le droit de se reproduire entre eux.

Légionnaires tous les deux, nous avons été recrutés par le service de renseignement pour nos performances. Tuer faisant partie de nos ADN, nous étions les meilleurs sur le terrain. Sans attache et sans famille, nos missions étaient des réussites. Qui pouvait nous arrêter à part nous-mêmes ?

Cependant le destin nous a rattrapé.  Au cours d'une mission classée top secrète, nous avons été mis en binôme. La mission a été un franc succès. La cellule venait de trouver le parfait duo sans savoir qu'elle venait par la même occasion d'unir un couple. Nous avons usé de stratagèmes pour garder notre secret caché. Mais je suis tombée enceinte et nos vies ont sombré pour toujours.

Je pense à cette partie de ma vie parce qu'elle demeure l'une des plus triste mais aussi l'une des plus heureuses qui ait pu exister au cours de mon existence. Et aussi parce que le fils qui m'est resté souffle une bougie de plus en ce jour.

Je me redresse et range le tapis de Yoga en restant sur mes genoux. Je me lève pour le déposer dans son abri avant de me rendre dans la cuisine pour retirer la théière du feu. Je dispose la table à manger et me sers un verre de thé en lançant un appel vidéo vers le téléphone de mon fils. Il décroche à la va vite comme s'il n'attendait que ça.

— Bonjour Rio !  Joyeux…
— Stop ! Avant que tu ne le chantes en japonais, je dois  te montrer à tout prix ma nouvelle trouvaille. Donne-moi une seconde.

Je souris devant son visage angélique. Rio, mon garçon est un  passionné des mines comme son père. Mais contrairement à lui, il s'est perfectionné en joaillerie. Il va à la recherche des pierres précieuses et les confectionne puis les revend dans ses boutiques de luxe. Il est un incontournable dans le monde de la bijouterie. Il me rappelle tant son père.

— Regarde là !  Je regarde la jadéite qu'il me montre en me demandant où se trouve le piège.
— C'est une jadéite mon chéri, qu'est-ce qu'il y a de particulier sur cette pierre.
— Ce n'est pas qu'une jadéite maman. C'est la pierre précieuse que je vais polir et assembler en une alliance phénoménale.
— Ah ! J'ouvre grand la bouche. Tu as enfin trouver ton âme sœur ? Riiiooo ! Je tire sur les lettres en gardant mon sourire intact.
— Pas encore, mais je la sens proche, cette pierre me parle. Et au rythme que mon cœur bat, je sens que je ne vais pas tarder à la rencontrer. Je suis plus que sûre qu'elle est tout aussi puriste que moi et qu'elle adore l'art et l'exprime peut-être pas comme moi mais à sa façon.