Chapitre 8 - Shane

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Il y a 8 ans, 

Shane a 13 ans.


Maman est partie.

On a fermé son cercueil et ils l'ont mis dans le caveau familial.

Maman est partie.

Je ne me suis jamais senti aussi seul.

— Allez viens, il est de rentrer, me dit mon paternel.

Je me tourne vers lui, il me tend sa main.

Il est habillé tout en noir, comme toujours. Malgré la pluie qui tombe sur nous depuis le début de la journée, ses cheveux noirs sont toujours aussi bien coiffés.

On dit que je lui ressemble. Je dis que les gens se trompent. Mon père est froid, impitoyable, incapable d'aimer son propre enfant. Même si nous avons tous les deux la même couleur de cheveux et les mêmes yeux marrons, nous sommes complètement différents. Aucun geste affectueux, aucune démonstration d'amour. Je n'ai jamais rien eu de sa part. Je n'ai eu qu'un vrai parent, ma mère. Elle m'a aimé pour deux, elle m'a toujours couvert d'amour et maintenant elle n'est plus là. Je me retrouve avec un père qui n'est jamais présent, toujours parti au travail. A croire qu'il vit dans son bureau. J'ai même déjà pensé au fait qu'il ait une deuxième famille, qu'il ait un autre enfant et qu'il le préfère lui.

— Je veux rester encore un peu, je lui réponds.

— Comme tu voudras. Appelle mon agent quand tu seras décidé à partir, il viendra te chercher.

Evidemment. Il ne m'attendra pas puisqu'il a sûrement mieux à faire.

Le cancer de ma mère a été tellement rapide qu'il m'ait difficile de me dire que tout ça est réel. On a appris sa maladie il y a 1 mois, et tout est allé très vite. Il s'est généralisé, il était trop tard pour un quelconque traitement. Je l'ai vue s'affaiblir de jour en jour pourtant elle m'a parue plus forte que jamais. Mon père était un peu plus présent, je me suis même dit qu'il avait enfin changé et que nos relations pourraient s'améliorer. Mais je me suis bien trompé. Il ne fait que le strict minimum, me dit bonjour le matin, si on se croise, et il est rare que j'aie un bonne nuit le soir car il rentre dans la nuit ou il ne rentre même pas parfois. Je le sais car j'ai commencé à avoir des insomnies au début de l'annonce de la maladie de maman.

Je suis jaloux de mes amis, qui eux ont un père qui leur apprend à jouer au football, à bricoler, à faire de la mécanique. Le mien n'est bon qu'à me verser de l'argent de poche chaque mois. Mais je donnerais tout ce fric si je pouvais avoir un père présent.

J'appelle Fred, l'agent de mon père, qui me dit qu'il se met en route immédiatement. En attendant qu'il arrive, d'ici 10 minutes je pense, je m'installe sur un banc. J'envoie un texto à Will, pour lui demander s'il est partant pour qu'on se voit ce soir. J'ai besoin de voir mon meilleur ami.

Mon téléphone vibre 30 secondes après.

C'est William qui me répond que son père passera me prendre si je veux et que je peux rester chez lui quelques temps. C'est la réponse que j'attendais. Et si je pouvais partir vivre pour toujours chez lui, j'irais immédiatement.

Fred arrive et j'entre directement à l'arrière du véhicule. Il ne prononce pas un mot et c'est très bien comme ça.Le trajet jusqu'à la maison me parait interminable tant j'ai hâte de repartir direct après chez Will.

Arrivés devant la villa à plusieurs millions, je me presse d'aller à l'étage pour faire mon sac. Je n'ai même pas croisé mon père, il doit être surement dans la bibliothèque ou dans une autre pièce de ces 650 mètres carré.

En descendant, je croise la femme de ménage qui est en train de dépoussiérer pour la dixième fois aujourd'hui. Elle m'adresse un regard chaleureux comme toujours.

Jake, le père de Will, est déjà devant la maison.

— Salut mon grand, me lance le père de William avec un sourire.

— Bonjour monsieur Harper.

Je préfère cent fois la chaleur et le confort de son vieux pick-up plutôt que la froideur des voitures de luxe de mon père. Il règne ici une odeur de tabac, de vieux cuir et de poussière, mais peu importe, j'y suis habitué depuis plusieurs années.

Je connais mon meilleur ami depuis qu'on a 5 ans. On s'est connus grâce – ou à cause, ça dépend comment on voit les choses – à sa mère. Elle côtoyait les casinos, tout comme maman, sauf que sa mère dépensait de l'argent qu'elle n'avait pas. Elles se sont liées d'amitié je ne sais comment, et puis un jour, ma mère l'a aidé à rembourser sa dette et l'a incitée à arrêter les jeux d'argent. Elle a invité Ava à venir à la maison, elles passaient du temps ensemble et un jour, elle est arrivée avec celui qui est aujourd'hui mon meilleur ami.

Maintenant, nous n'avons plus de mère. Celle de Will a déserté leur maison il y a 2 ans laissant son père avec deux enfants à charge, et la mienne... m'a injustement été arrachée par la maladie.

— Ce soir tu préfères qu'on joue ou qu'on mate des films ? me demande William en me sortant de mes pensées.

— Comme tu veux, mais me sors pas encore des films d'horreur.

— Ne vous couchez pas trop tard ou ne faites pas trop de bruits les garçons, demain je me lève tôt, nous interromps Jake.

On arrive finalement devant chez mon ami. Son père m'aide à sortir mes affaires. J'ai rempli mon sac de sport, ne sachant pas combien de temps je vais rester ici et comme je n'ai pas envie de retourner de sitôt chez moi, j'ai prévu le coup.

Je passe la porte d'entrée de cette maison qui fait probablement la taille de mon séjour. La télé est allumée, diffusant des dessins animés que je n'ai connus qu'ici.

Comme toujours, je cherche la même personne dès que j'arrive ici et je sais où elle se trouve, à la même place que d'habitude.

Mon regard se tourne vers elle. Elle est assise à la table et elle peint. Je l'observe en espérant être discret pendant que Will se rend dans la cuisine avec son père.

Et là, elle se tourne. Je sens mes joues rougir alors qu'elle comprend que je la regardais, toujours avec cet air innocent mais aussi plein de rancœur. Je n'ai jamais compris pourquoi elle me détestait. Je sais que les autres garçons se moquent d'elle, ont toujours fait des remarques sur son poids. Mais je m'en fiche, je la trouve belle.

William vient à ma rencontre et m'incite à le suivre dans sa chambre pour qu'on aille essayer son nouveau jeu vidéo.

— Tu vas voir, il est extra ! me dit-il à propos du jeu.

— Je te crois, j'ai vu les extraits, il a l'air dingue, je lui réponds faussement enjoué.

Je voulais continuer à être près d'elle même si je sais que c'est inutile, elle ne m'aime pas et je ne l'intéresse pas. Je crois même qu'elle m'en veut.

Arrivés dans sa chambre, mon ami pose sa question habituelle.

— Bon, c'est quand que tu m'avoues que t'as une meuf ! J'ai vu ce que t'écrivais dans ton carnet dans ta chambre.

Il me prend au dépourvu là. Je pensais que je l'avais bien caché, c'est quelque chose que je n'ai pas envie qu'on connaisse de moi. Merde. Il faut que je réponde ce qu'il a envie de savoir, même si je mens.

— Bon ok tu m'as cerné... j'ai une nana, lui dis-je en essayant d'être convaincant.

— Je le savais ! me dit Will avec un grand sourire. Je te connais par cœur, je sais tout de toi même sans ce carnet de toute façon.

Je le laisse croire à tout ça. Mais il y a bien une chose qui est sûre, il ne sait pas tout de moi. Ce qu'il ne sait pas, c'est que je suis amoureux de sa sœur depuis que je sais ce qu'est l'amour. 

My dear enemy  ▬ En cours d'écriture.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant