J'ai du mal à détacher mon regard de son œil unique et brillant. Elle, en retour, me toise et me nargue, provocante. Mais comment faire autrement ? Comment se passer d'Elle ? Impossible. Elle est indispensable et Elle le sait, Elle sait que je n'ai pas le choix, Elle sait qu'elle a déjà gagné et Elle savoure sa victoire. Comme la dernière fois ...
Je vais devoir la saisir, l'attraper. Rien que d'y penser, je sens une sueur glacée parsemer mon dos et mes mains. Elle m'échappera plusieurs fois, je n'ai aucun doute là-dessus, blessant ainsi mes doigts empotés et malhabiles, égratignant au passage mon incommensurable orgueil. Sournoise, elle se fera glissante et fuyante. Elle utilisera chacun de mes faux pas pour transformer mes intentions en amas disgracieux et informes. Et je n'aurais plus qu'à recommencer ... Encore une fois.
Elle paraît pourtant si fragile, si innocente, si pure, alors qu'Elle m'attend, paisible, confiante et immobile dans la chambre. Mais je sais, oh oui, je sais quelles sombres perfidies Elle cache. Je connais ses tours et ses astuces pour me faire sortir de mes gonds. Et ils fonctionnent à chaque fois ... à chaque fois.
Je soupire. Elle va encore gagner. Je serre les poings pour ne pas lui révéler que mes doigts tremblent. Elle doit croire que je maîtrise la situation. Il faut que je reste stoïque, que je ne laisse rien paraître. Garder mon calme, coûte que coûte. Souffler profondément pour maîtriser les battements de mon cœur qui s'emballe rien quand l'observant de loin. Ne pas lui laisser entrevoir mes faiblesses ... Plus jamais. Pas cette fois !
Cette fois, j'y arriverai ! Oui, cette fois j'y arriverai !
Je prends une grande inspiration, fermant les yeux pour ancrer en moi cette certitude quand j'entends derrière moi :
– Bon alors, Kaori, ça vient ou pas ?
– Oui, oui ... C'est bon, y'a pas l'feu !
Ma voix est mal assurée, malgré toute ma volonté pour la maîtriser. Ryo se veut rassurant, même si je perçois une pointe de moquerie dans son ton :
– Allez, c'est donc pas dangereux !
– Je sais bien !
– Certaines en ont fait leur métier, tu sais !
Je ris jaune :
– Ça m'aide, ça, tiens !
– Ecoute, c'est toi qui refuses que j'aille faire ça chez une pro, alors ...
Soudain, c'en est trop. Je me retourne vers lui, renonçant devant mon ennemie jurée. Après tout, rien ne m'oblige à aller l'affronter. Je n'ai rien à prouver. Je n'ai rien à gagner. Rien. Le combat n'aura tout simplement pas lieu aujourd'hui. Pas cette fois.
Je croise les bras sur ma poitrine pour cacher mes mains encore frissonnantes et je lance à Ryo, exaspérée :
– Tu sais quoi ? Démerde toi tout seul !
– Hein ?
– Fais-le, si tu penses que c'est si facile.
Il me regarde, décontenancé et j'entrevois une pointe d'angoisse dans ses yeux quand il bredouille :
– Tu veux quand même pas que je prenne ... cette ... cette ... cette chose ?
Triomphante, je jubile :
– Pourquoi ? Ne me dis pas que ça te fout les pétoches ?
– Non mais n'importe quoi ! Kaori, toutes les épouses font ça pour leur mari de temps en temps !
J'éclate de rire en tournant les talons pour quitter ce couloir et m'éloigner de ma chambre et ... d'Elle. Soulagée, je passe devant Ryo en jubilant et je lui lance d'un ton enjoué :
– Sauf que je ne suis pas ta femme !
– Pas encore ...
Je reste pétrifiée en entendant ces mots qu'il s'est contenté de murmurer. Je me tourne lentement, au risque de laisser paraître mon trouble. Je sais que je suis en train de rougir et que mes joues ont pris la teinte pivoine habituelle. Mes jambes tremblent, j'ai l'impression de manquer d'air et j'ai chaud, tout d'un coup. Oh punaise, oui, j'ai chaud ! Je meure littéralement de chaud !
Craignant qu'il ne se joue à nouveau de moi, j'attaque pour me défendre. Les mots fusent par ma bouche, acerbes, piquants, moqueurs :
– Si je le fais, tu m'épouses ?
Il se redresse, insolent, et riposte :
– Hé ! Il faut juste passer le fil dans l'aiguille c'est pas la mer à boire !
Je souris. Je sais qu'il va lâcher l'affaire : il a le concept même du mariage en horreur. Alors ... en plus avec moi ... Je suis certaine qu'il va reculer. Et je refuse de retourner dans ma chambre pour l'affronter, Elle. Je répète :
– Épouse-moi et je recouds ton satané bouton !
Rien ne lui fait plus peur que l'union en justes noces, à part peut-être prendre l'avion ... Donc, je suis parfaitement sûre de moi. J'évite mon ennemie jurée Mademoiselle-l'Aiguille et son complice Le-fil-qui-s'emmêle en jouant avec la trouille pathologique de Ryo pour l'engagement amoureux. Je n'arrive pas à retenir mon sourire. Je triomphe :
Kaori : 1
Ryo, Miss Aiguille et Associés : 0
Je vais pouvoir reprendre le cours normal de ma vie. Confiante, je continue mon chemin vers le canapé du salon pour aller m'y vautrer et me remettre de mes émotions quand j'entends derrière moi :
– Et si je te dis oui ?
– Quoi ?
Je me retourne à nouveau, le sonde, l'observe. Est-il sérieux ? Ryo plonge ses mains dans les poches, me sourit et s'approche de moi, nonchalant. Je sens de nouveau mon visage s'embraser quand il se penche vers moi pour me chuchoter à l'oreille, tellement près que je sens son souffle frôler ma joue brûlante :
– Donc, si je comprends bien : je t'épouse et tu recouds mon bouton ... C'est ça ? Et si je te demande de repriser mes chaussettes ? Tu sais mes chaussettes fétiches ... Les vertes en laine, les bien chaudes ... Il se passera quoi ?
Je tourne mon visage vers lui et nos nez se touchent presque. Je dois à tout prix dissimuler mon angoisse : envisager d'attraper mon aiguille à repriser ... la longue, brillante et acérée ... me donne des frissons glacés. Ma nuque se couvre de chair de poule. Pas moyen ... Ah non, non, non, pas l'aiguille à repriser ! Tout mais pas ça !
Inconsciente que je suis, je ne trouve rien d'autre à répliquer que :
– Tes chaussettes vertes ? Et bah, épouse-moi et tu verras !
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C.H.C.H. ou Courtes Histoires de City Hunter
FanfictionRecueil de courtes fanfictions sur City Hunter. Humour, Amour et Dérision au rendez-vous. Ces histoires courtes peuvent se lire indépendamment les unes des autres. Leur point commun, en dehors du fait qu'elles parlent de City Hunter, c'est qu'il s'...