1 - Victoria

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700 grammes

Je sens le bruit insupportable de ses talons hors de prix claquer contre le carrelage des bureaux principaux de MoorExport. Ils sont situés dans la plus haute tour de Londres, au dessus du monde, bientôt au niveau des nuages, de quoi faire lever la tête des plus curieux et baisser celles des envieux. La société d'exportation de Benjamin Moore s'était élevée à un rang d'indispensable pour l'économie anglaise. Il se tenait assis en bout de table, les yeux fermés et les lèvres serrées, c'est la tête qu'il fait quand il est en colère mais qu'il sait que son argent ne pourra cette fois pas régler le problème.

Ma respiration s'est à présent calée sur ses escarpins qui résonnent à quelques mètres de la porte en verre. Elle s'arrête et ma respiration se coupe presque instantanément, nous relevons tous la tête simultanément sur la silhouette élancée qui se tient devant la porte, on viens lui ouvrir et elle pénètre dans la pièce meublée d'une longue table où se tiennent mon père, ma mère et les associés de mon géniteur. Elle balaye la salle du regard, ne manquant pas de me fusiller rapidement de ses iris noisettes, sa façon préférée de me dire bonjour.

Personne n'a encore prononcée la simple phrase, seule la trotteuse de l'horloge retentit comptant les dernières secondes qui nous séparent d'une conversation qui changera nos vies pour toujours. La coupure de journal violemment balancée sur la table par la blonde brise le silence me faisant presque sursauter. Elle s'assoit en face de mon père, à l'autre extrémité de la table, se racle la gorge, pose ses mains à plat sur le bois de la table avant de nous esquisser un sourire médiatique éclatant qui au vu la situation, ne peut être que faux.

- Allez y, expliquez nous. Dit elle, le regard fixé sur notre père.

Je pourrais admirer le courage de lui parler ainsi si la haine que j'éprouvais à son égard n'atrophiait pas les émotions que je lui éprouve. Elle accompagne sa phrase en désignant le journal négligemment posé sur la table. Mon père ré ouvre les yeux et l'interroge de ses pupilles bleus que je lui ai héritées, il finit par céder et tend le bras pour l'attraper.

- Lisez le, à voix haute. Claque sa voix froide.

Son visage blêmit, encore plus qu'il ne l'est de base, bien que d'habitude il tire vers des tons un peu plus rosés par sa mauvaise hygiène de vie. Hélène a attisé ma curiosité, je sais déjà ce qu'il se trouve dessus, mes mentions sur les réseaux sociaux font vibrer mon téléphone depuis mon réveil. Mon père tousse et s'éclaircit la voix et commence à bafouiller la situation, sa femme porte sa main à sa bouche et étouffe un hoquet de choc. Certains associés chuchotent s'interrogeant sur l'avenir de l'entreprise ou plutôt sur les prochaines promotions qui vont probablement tomber car la hiérarchie de l'entreprise sera bientôt remise en question. Les secondes se transforment en minutes tandis que le PDG de MoorExport se justifie de façon hésitante qu'on ne lui reconnaît pas. Lui qui d'habitude tape du poing sur la table et aboie des ordres qui font résonner les bureaux de sa société.

- SILENCE !

Hélène a parlé et la tablée s'est tue, c'est le pouvoir qu'elle a du haut de ses 23 ans, bientôt 24. Le scandale médiatique de cette affaire ne s'essuiera pas cette fois avec quelques billets versés dans les bons portefeuilles. C'est la merde et on le sait tous ici, alors je me lève, le sort de Benjamin Moore ne m'intéresse plus et je n'ai de toute manière jamais été considérée comme appartenant à cette famille.

6 mois avant la chute de MooreExport et Hélène.
Pavillon des Moore, Knightsbridge

La cigarette se consume lentement entre mes lèvres alors que de la musique classique résonne en arrière plan. Ma main marque les temps de la musique, un réflexe d'un passé de fille parfaite que j'ai laissé derrière moi. Une période durant laquelle Hélène ne pouvait même pas me nuire car elle n'existait pas, c'est ma grande sœur mais à mes yeux, elle n'existait pas, je ne soupçonnais pas son existence, ses talons qui claquaient sur le sol en faisant saccader ma respiration n'étaient qu'une fantaisie, et à la manière de Satan déchu du Paradis, elle est tombée dans mon monde pour en faire mon enfer dans lequel elle seulement bénéficierai de son éden.

Hell HaineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant