Bleu
Elijah est au téléphone avec sa copine, je ne le pensais pas casé mais ça explique l'intérêt qu'il porte à la vie des autres vu le manque d'action dans la sienne. De plus sa compagne semble le contrôler, j'entends sa voix aiguë à travers le téléphone qui lui demande de ne pas rentrer trop tard, de ne pas parler à des filles, de ne pas trop boire etc. Une multitude de phrases commençant par « ne pas » qui me rappellent ma mère.
- Ne t'inquiètes pas ma puce, c'est juste l'anniversaire d'un ami, je t'aime fort. Dit il avant d'embrasser le combiné m'arrachant un rictus de dégoût.
Je pense sincèrement à ouvrir la portière du taxi pour me jeter sur la route d'Oxford Street et risquer de me faire faucher par une voiture si jamais il ne raccroche pas ; mes prières sont finalement entendues et il met fin à cet échange mielleux quelques secondes plus tard tandis que je me masse les tempes regrettant amèrement cette sortie au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans Londres.
- Je suis ton ami maintenant ? Lui demandais-je sarcastiquement.
Je l'entends grincer des dents depuis ma position voyant qu'il ne prendra pas la peine de répondre à cette énième provocation. Elijah est le genre de mec sympa mais pas trop longtemps, il demande une patience que je n'ai pas envie de lui accorder mais bon il paye mes verres ce soir, alors j'imagine que je peux faire des compromis. Le faire chier est devenue une de mes occupations préférées pour espérer lui faire changer d'avis à mon sujet et peut être lui faire à présent détester ma présence. Un léger sourire se trace sur mes lèvres à cette idée et je sors une cigarette de mon paquet en interrogeant le chauffeur du regard à travers le rétroviseur, il hoche la tête et je coince le bâton de tabac entre mes lèvres avant de l'allumer. La fumée rempli rapidement l'habitacle sous l'air dédaigneux et offusqué de mon collègue, si on peut le qualifier comme ça.
- Mon costume vas puer. Se plaint-il assez fort pour que je l'entende.
- Avec un peu de chance ça te décoincera un peu. Répondis-je du tac au tac.
Il soupire avant de mimer un éventail d'une main dans une veine tentative d'aérer l'espace clos de la voiture, je finis par ouvrir la fenêtre et le libérer de ses souffrances, on l'aurait cru dans une chambre à gaz.
- Jamais je ne mettrais ma santé en péril pour un peu de plaisir. Cracha t-il en désignant la cigarette entre mes doigts.
- Pourtant t'es marié et t'as l'air plus frustré qu'un homme célibataire pendant le confinement, alors comment vas ta santé mentale depuis que tu vis avec Jude, hmm ?
Il baisse les yeux avant de se gratter la barbe, ça le tuerait d'admettre que j'ai raison mais il le sait qu'il n'est plus heureux dans son mariage. Je ne suis pas son ami et il ne sera jamais le mien mais je pense le connaître assez bien maintenant pour savoir que si il m'a proposé de sortir ce week-end, ce n'était pour mon anniversaire mais pour se libérer de sa prison, lui enchaîné par des alliances et moi pour m'évader de mon taudis dans les bas fond de Peckham. Je lui adresse un regard qui se veut compatissant et lui tends une clope, il me regarde comme si j'étais fou mais après quelques secondes d'hésitation il la saisit.
- Faut que t'apprennes à t'amuser. Lui dis-je en lui tendant un feu.
- En fumant des clopes ?
- Non. Je marque une pause. La fille te trouvera juste plus sexy quand t'en fumera une après l'avoir baisé.
Un rire clair s'échappe dans la voiture que je ne lui avait jamais entendu, ce n'est pas la même chose que ses rires de façade qu'il me sert quand on est en public. Cette soirée s'annonce un peu plus intéressante maintenant qu'il me montre enfin son vrai visage loin de la pression de l'argent, de sa famille et de son mariage mais au risque de le décevoir ; il ne verra jamais le mien.
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Hell Haine
Roman d'amourJusqu'ici tout vas bien. Nos deux mains étaient enlacées et nos pieds se balançaient dans le vide de la ville. Les sirènes des pompiers résonnaient en contrebas alors que les coins de mes lèvres se traçaient en un rictus que je ne me connaissais pas...