larmes de crocodile
Je pousse les grandes portes en bois qui hantaient mes cauchemars ces derniers mois et pénètre dans l'Académie de danse les mains tremblantes. Mes pas sont hésitants dans le couloir et je m'aventure à poser un regard derrière moi, Astrid a été missionnée par ma mère pour m'emmener, elle me connaît assez bien pour savoir que je suis capable de m'enfuir à la première occasion pour m'adonner à une escapade Londonienne.
Le craquement sinistre du parquet sous mon poids refait naître en moi les mêmes angoisses que je fuyais depuis six mois, les portes se referment derrière moi et je jette un dernier regard suppliant à Astrid qui détourne les yeux, elle n'a jamais supporté la façon dont ma mère me force à faire certaines choses mais elle n'a pas son mot à dire.
Le couloir semble s'étendre devant moi comme dans les films d'horreurs, le cours commence dans quelques minutes et je ne suis pas prête, je n'ai pas envie, de les revoir eux et leurs regards porteurs de jugements, de le revoir lui.
Personne ne savait la relation que j'entretenais avec M.Laurent, et je ne voulais pas mais les doutes se sont propagés et la question de favoritisme s'est posée jusqu'au jour ou Ivy à décidé de me trahir définitivement et de le balancer à tout le monde. Elle avait remarqué les bleus sur mes poignets et s'est empressée de répandre la rumeur que je me tapais le prof pour obtenir le solo. Personne n'a cherché plus loin et ils ont pris ses mots pour argent comptant sans prendre la peine de vérifier la véracité de ses propos. À l'époque ma relation avec elle était déjà au point mort, on maintenait la face devant les gens mais cela aurait été un mensonge de dire qu'on s'appréciait, je ne savais pas pourquoi, elle se montrait distantes au fil des semaines et elle a finit par tout briser en un seul message envoyé dans le groupe de danse.
Elle a ensuite sous entendu le fait que je me faisait vomir entre les entraînements, M. Laurent assistait à son harcèlement mais n'en faisait rien, quand il me retrouvait après les cours il ignorait mes non-dits et plaquait sa main sur ma bouche pour l'empêcher d'entendre mes pleurs. Il disait qu'il me trouvait trop bruyante alors j'ai arrêté de dire non et entre 18h et 19h je devenais sa poupée désarticulée et puis il se levait, ne m'aidait pas à me rhabiller et quittait son bureau en silence.
Au lieu de m'accompagner dans la découverte de mon corps il a prit ce qu'il y avait à prendre sans la moindre considération, comme un mégot que l'on jette par terre après avoir finit sa cigarette, il m'écrasait de la pointe de ses chaussures et me demandait de rester par terre.
Ces souvenirs me donnent envie de vomir et je déglutis pour éviter de me déverser entre une plante et un fauteuil, Astrid doit attendre jusqu'à la fin de mon cours, je n'ai aucune échappatoire et la peur me tord l'estomac alors je me tiens le ventre si fort que je sens mes ongles s'enfoncer dans ma peau et me griffer, je me plie en deux et pose un genou à terre en haletant bruyamment, ma propre peau me brûle, j'ai besoin de l'arracher, de sentir l'air frais sur ce corps qui n'est plus le mien pollué par par ces mains qui ne sont pas les miennes, qui ne m'ont jamais donné la moindre miette d'affection.
Tout a toujours été trop dur, trop froid, je ne me souviens plus de la dernière fois où ma mère m'a prise dans ses bras, de la dernière fois où elle m'a dit que « tout ira bien », que ce n'était pas de ma faute et qu'elle m'aimera quoi qu'il arrive.
Au bout de quelques secondes j'entends une porte s'ouvrir au bout du couloir et je me relève brutalement, mes muscles contractés sont douloureux sous ce mouvement abrupte, j'essuie les larmes qui perlaient au coin de mes yeux et tente de me recoiffer rapidement, effacer ce qu'il s'est passé, c'est ce que j'ai toujours fait de mieux.
La tête rousse d'Ivy se dessine, elle m'aperçoit également et sa surprise laisse place à un sourire carnassier qui se dessine sur ses lèvres. Elle s'approche de moi surexcitée alors que je reste pétrifiée sur place, on dit souvent que le pire est à venir mais mon pire se trouve devant moi, ses cheveux relevés dans un chignon parfaitement plaqué avec ses longues jambes qui marchent d'un pas léger. On pourrait croire aux retrouvailles de vieilles amies si mes mains ne tremblaient pas autant.
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Hell Haine
RomanceJusqu'ici tout vas bien. Nos deux mains étaient enlacées et nos pieds se balançaient dans le vide de la ville. Les sirènes des pompiers résonnaient en contrebas alors que les coins de mes lèvres se traçaient en un rictus que je ne me connaissais pas...