Inquiet de n'avoir de réponses, le poète étale ses inquiétudes lors d'une nuit de mai.
Elle était donc ouverte, face à moi et je regardais le bas, avec envie. Je voulais décidément me jeter désormais. Le Message bientôt allait arriver et tu ne disais rien. J'avais attendu la Date et la Date n'attendit plus pour venir, elle était là. Je regardais parfois le bas, j'évaluais ma chute, puis je regardais à nouveau les étoiles, en sachant que d'ici une rotation je ne serai plus ici. La Fin des Temps approche et je suis habité par une étrange impatience à l'idée de m'aventurer au fond de l'inconnu. Lucifer, ton royaume s'effondre et je ne t'y trouve même plus, je suis seul dans ton propre domaine.
Mes yeux errèrent en quête d'un signe de vie, mais ils ne trouvèrent rien, que des mirages le persuadant un peu plus de dire adieu, de renier tout ce qui s'était passé. Je n'avais jamais senti autant de joie dans la décomposition finale, dans mon éradication ; Lucifer m'avait transmis ce goût. Alors que, jadis, je défendais la vie face à lui comme un enfant face à ses parents, il m'avait répondu, vide de toute intention, de toute méchanceté, de toute bonté. Il m'avait montré dans une écrasante clarté toute l'absurdité de tout. J'avais pris du temps à l'accepter, mais voici désormais que j'étais son plus grand disciple. Sous son empire désormais, je devais faire honneur à sa propre pensée.
Je croyais qu'il me défiait de le faire, d'y procéder et en fait, je le voulais. Je n'attendais que ça, qu'un mot pour tout arrêter, pour m'abandonner à lui et ne plus jamais jouer avec ce feu. Mais il n'était plus là, il était parti, il avait quitté la Montagne, il était mort dans le monde des morts. Providence, sa présence était trop demandée ? Répondre à une voix qui l'implorait et qui était prête à le bercer ? Alors, je veux écrire le testament de ma vie.
Je veux lui donner tout ce qui me reste, mais il ne me reste rien. Il savait que c'était la Date, il aurait pu me sauver, me retirer cette épine, me faire fuir cette épreuve, mais il ne voulut pas. Il voulut me voir subir, éprouver, son absence et je le déplorais en silence. Désormais rien n'arrivera, c'était trop tard. Tu disais que c'était trop tôt, mais désormais il est trop tard pour soutenir le Temps, je n'ai plus la force d'Atlas ; sans efforts, j'abandonnerai tout. Je laisserai tomber la voûte, j'errerai dans ce monde mort sans morts. Un endroit où je m'anéantirai, bien loin des paradoxes de la vie ; je ne veux plus être vivant, ne plus être une force, une volonté exprimant quelque chose et désirant quelque chose ; je veux être une passoire, une plante verte, arrosée par tes soins sans affects. Autant ça que ton absence.
Écoute ! Mettons un terme à tout ! Désormais c'est la fin ! Le Jour se lève ! Il faut tenter de mourir ! Je me mets debout, je grimpe sur ma fenêtre, je me tiens à une main et je fixe l'horizon. Je vais lâcher ma main et me laisser tomber, rejoindre cet endroit dont alors on rigolait, ce mirage dont tant de fois tu me parlais. Tu verras, je ne serai plus rien et je suis déjà heureux de la prégnance de ma présence dans ta tête alors que je me serai annihilé. Tu aimeras une idole ayant disparu, tu idolâtreras ce souvenir de moi et tu pleureras du manque d'importance que tu m'as porté ce jour fatidique. Va ! Erre ! Suis tes instincts ! Fais ce qui doit être fait ! J'attends le Message, prêt à lâcher mes bras. J'y suis prêt. Prêt à mourir. Prêt à tomber.