Épilogue

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Le poésie médite rétrospectivement sur les évènements par un détour métaphorique.

Sur la plage de Fécamp, un atome de sable méditait sur son sort, immobile et taciturne. Il fixait l'horizon et il songeait à sa vie qui n'avait été qu'un enchaînement de déplacements incongrus et involontaires ; il était digne de la pierre dont parlait une fois un philosophe car, sa seule possibilité, c'était de vouloir ce qui lui tombait fatalement et éternellement. Tous les grands changements du monde étaient survenus là, devant lui, mais il méditait calmement, cet immortel. Il avait craint la première vague, maintenant il la subissait sans mot et presque avec une troublante envie —il aimait prévoir son malheur.

Hier, il faisait tempête, mais aujourd'hui il faisait calme. Les mouettes commençaient déjà à s'abattre sur le sable alors que l'Aurore, leur père, se levait — la rosée du matin n'avait certes pas perdu son charme après tant de siècles. Un vieillard, abîmé par les âges vint comme à l'accoutumée se recueillir à côté, les larmes aux yeux. Était-ce la beauté du lever ou la tristesse des flots qui faisaient cet effet ? Probablement les flots ; leur monotonie et leur bruit étant comme un long écho de ce qui avait été et de ce qui ne reviendra pas.

Mais cette fois, le vieil homme ne partit pas : il était mort. Il commençait à se décomposer sur ce paysage qu'il avait tant aimé ; il fut rapidement infesté par les vers et les insectes. Il allait rejoindre le grand Cycle et disparaître de ce paysage tout en le rejoignant ; le Souffle allait l'emmener loin, comme le sable. L'Espoir était un mot vain qu'il avait perdu il y a déjà longtemps ; il ne s'était à la fin qu'attaché à quelques certitudes : pouvoir toujours fixer le passé et pouvoir mourir ici.

Un autre passant vint rompre le fragile équilibre ; il accourut et appela les urgences. L'utilité de cet acte était nulle, mais il était convenu. Il fallait après tout donner un peu de valeur à ces moments, s'abattre de tristesse devant le sort accompli en l'honneur de ce qui a été, mais ce n'était pas nécessaire ; seul le vieillard et l'atome de sable avaient la sagesse suffisante pour le comprendre, eux qui avaient fini par tant se comprendre tout en étant si étrangers.

Le temps que son corps soit rapatrié à la ville, les mouettes s'amoncelèrent et se recueillir pour lui faire des funérailles méritées. Il devait avoir tant vécu et en même temps si peu ; sa vie n'avait dû être, elle aussi, qu'un enchaînement triste et insipide d'actes incongrus et involontaires, passivement subis. Mais le vieillard n'avait pas la légèreté du sable, il avait tout le poids de la douleur. Probablement avait-il aimé quelque part, quelqu'un, à un moment et probablement était-ce fini depuis longtemps. Mais sa douleur résidait dans la mémoire ; il eût voulu que ces souvenirs ne tiennent pas plus qu'un château de sable, mais c'était trop tard, car c'était.

Le personnel d'urgence vint, trop tard. Une lettre était cependant dans la poche du vieillard, elle disait : « J'étais un morceau de poussière dans ton dessein aveugle. M'avais-tu donc délivré du Mal pour mieux m'y livrer ? Bref : adieu. À jamais, Terre désolée où j'ai perdu les pieds. Sautons désormais. »

EnferOù les histoires vivent. Découvrez maintenant