32

112 16 5
                                    

Sans surprise, les choses changèrent après ça.

Mouse ne me parlait plus.

On ne parlait que du strict nécessaire ; viens me chercher à tel endroit, dépose-moi à tel autre. Faut qu'on fasse les courses. Je serai en retard après le garage, etc. On ne mangeait plus ensemble à la maison, on ne fumait plus sur le toit. On ne jouait pas aux échecs, on n'écoutait pas de musique ensemble. Parfois, quand je jardinais ou quand je lisais dans le salon, j'entendais des accords de guitare s'élever de sa chambre ; souvent, la porte d'entrée se refermer parce que Mouse sortait Dieu sait où. Sans moi. Et ça ne me regardait pas, alors, j'essayais de penser à autre chose et y parvenais plus ou moins.

Elle ne me proposait plus de l'accompagner, évidemment. En étais-je satisfait ? En étais-je soulagé ? Non. Je réalisais que j'étais surtout déçu.

Toujours est-il qu'à aucun moment, je n'évoquai le baiser. Ou son talent au poker. Ou ses déhanchements dans une boîte de nuit.

Mais j'y pensais. J'y pensais constamment.

Ce soir-là, comme d'habitude, j'attendais Mouse dans la voiture pour rentrer du magasin. J'étais crevé, la journée avait été harassante, tout le réassort à faire. La portière s'ouvrit, je sentis le parfum familier de Mouse et je l'entendis se glisser derrière le volant. Mon cœur fit un bond. Je mis ma playlist sur pause et retirai mon casque.

─ Salut, dis-je, m'efforçant à une voix nonchalante, alors qu'en fait, j'étais hyper frustré de cette situation.

─ Salut.

Le ton était aussi indifférent qu'on puisse l'être. Il fallait accorder du crédit à cette fille : vous pouviez être son meilleur ami, mais si elle en avait après vous, vous vous retrouviez relégué fissa au rang de lépreux.

Mon téléphone se mit à sonner. La sonnerie associée à Lison. Ah, Lison... on s'était revu depuis la dernière fois, pour un verre. Cependant, ce n'était pas allé plus loin. Je n'étais pas très à l'aise.

Je renvoyai l'appel sur messagerie. Je n'avais pas envie de parler à Lison. J'avais envie de parler à Mouse, mais elle ne semblait pas partager ce désir.

Je m'éclaircis la voix.

─ Il s'est passé des choses intéressantes, au garage, aujourd'hui ? demandai-je à Mouse.

─ Fascinantes, se moqua-t-elle, prenant un virage.

─ Pareil pour moi.

─ Je t'ai pas posé la question.

Mouse monta le volume de la radio pour me signifier de me taire. Je l'abaissai.

─ Ecoute, Mouse...

─ Quoi ? Je te trouve collant.

─ On n'est pas obligé de se faire la gueule.

─ Je ne fais pas la gueule, je ne veux juste pas traîner avec toi. Le problème, c'est qu'on vit sous le même toit et qu'en plus, je dois te conduire à gauche et à droite.

Sur ce, elle tourna de nouveau le bouton de la radio et la conversation en resta là. Je réprimai un soupir. Elle était juste là, mais on semblait deux inconnus de nouveau. Pire même qu'à l'époque où elle me draguait au magasin et que je ne savais absolument rien d'elle ; avant, elle tentait des blagues, ça m'amusait, parfois. Là, c'était froid, résolument distant.

Alors qu'on était presque arrivé au loft, mon téléphone sonna de nouveau. Cette fois, c'était Benji, et je répondis.

─ Hé, Ben, fis-je.

Tout le temps du mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant