De grands yeux me considérèrent, infiniment surpris.
Des yeux nuance espresso.
La fille de la pub, elle était là, je l'avais devant moi.
On resta là à se dévisager mutuellement, parfaitement immobiles, un temps qui me parut infini. Je la bouffais du regard, je la buvais des yeux. Des traits fins, une bouche délicate formant un " o" de surprise. Son teint mat comme du pain d'épices tranchait avec le noir de ses yeux. Des cheveux châtain clair encadraient son visage en boucles folles. Ils étaient tressés, et la tresse reposait sur son épaule comme un serpent endormi. Un G en or scintillait à son cou, suspendu au bout d'une petite chaîne. Pas d'autre bijou. C'était bien la fille de la pub. Beaucoup moins maquillée, mais c'était elle, aucun doute.
Elle était saisissante.
Le genre de beauté qu'on ne peut pas ne pas remarquer. Le genre de visage qu'on garde en tête, qu'on photographie. Ce n'était pas qu'elle était " mignonne ", simplement, elle avait ce truc. Je compris immédiatement ce qu'elle fichait dans une pub de shampooing. Je compris immédiatement la réaction de Costa, le pro, qui voyait défiler du mannequin à longueur d'année.
Je ne l'avais pas du tout imaginée comme ça. Je ne me l'étais pas figurée comme ça. Et pourtant je la reconnus immédiatement. C'était ma Mouse. Ma Gretel.
- Gretel, soufflai-je, un nœud dans la gorge. Je t'ai trouvée.
Elle me jeta un regard noir, se dégagea.
- Lâche-moi. Tu me fais mal.
- Gret...
- Ne m'appelle pas comme ça.
- Putain, tu es...
- Ne m'adresse pas la parole.
Ignorant ses mots, j'abaissai sa capuche des deux mains pour mieux la regarder, une émotion inconnue mais puissante déferlant dans ma poitrine. Le nez me piquait, j'avais l'impression que mon cœur allait imploser.
- T... tu es sublime, bégayai-je, ébloui, maladroit.
Je n'avais jamais dit une chose pareille à qui que ce soit. Je ne l'avais même jamais pensé. Mouse me fusilla une nouvelle fois du regard, avant de détourner la tête. Saisissant son menton, je tournai son visage vers le mien, incapable de ne pas la regarder encore ; de nouveau, nos regards entrèrent en collision et de nouveau, j'en eus le souffle court.
Mouse était là, sous mon nez. J'en avais la chair de poule.
Je me sentais totalement con et je ne savais pas quoi dire. J'étais planté là, incapable de regarder ailleurs, incapable de ne pas la bouffer des yeux. J'ignore si elle l'était vraiment, si elle l'était pour les autres, mais pour moi... j'étais abasourdi, étourdi ; je la trouvais réellement superbe. J'admirais jusqu'au frémissement qui faisait vibrer ses cils bruns, jusqu'au pli renfrogné de sa bouche boudeuse. J'avais rêvé de cette fille, pensé à cette fille toute l'année durant, sans même avoir un visage à me figurer, rien. Juste le souvenir de sa voix, de nos rires, de nos petits conflits vite résolus.
Et je la découvrais enfin.
Le mot qui me venait à l'esprit lorsque je la regardais, c'est " exotique ". Un mot nul à mon avis, peut-être bon pour qualifier des fruits... mais pas une femme. Or, je n'avais rien de mieux en réserve. Ce teint basané me troublait au plus profond. " Ma mère est à Fiji ". Sa mère était surtout " de " Fiji. Son père, je l'avais vu. J'en sortais. Un Français. Avec ses yeux sombres en amande, ses cheveux couleur miel et sa peau dorée comme du pain d'épices, Mouse semblait un mélange parfait des deux.
J'étais horriblement déçu.
De moi-même.
De ne pas y avoir cru.
Mouse me plaisait plus que de raison... et j'avais tout détruit.
« Tout le temps du monde »
Achevé de rédiger par Kaziski le 17 juin 2023
(à suivre)
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Tout le temps du monde
ChickLitGrace à une opération délicate, Louka, alias DJ Aria, prince des platines, va pouvoir voir de nouveau. Il se retrouve à cohabiter avec Mouse, censée lui servir de chauffeur. Si Louka ne peut pas encore voir Mouse - la " petite souris " - il est abso...