Chapitre trois.

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De toutes les différentes matinées désagréables jamais effleurées par Pénélope Featherington, celle-ci était de loin la plus insupportable. L'éveil à lui seul avait été de trop, non pas parce qu'elle aurait préféré rester au lit toute la journée en prétextant une maladie inventée de toute pièce, mais plutôt car la simple idée d'entendre le tout Londres parler d'elle lui paraissait insoutenable. Elle qui rêvait d'habitude d'être lue sur toutes les lèvres, voilà qu'elle souhaitait plus que n'importe quoi de disparaître de la surface de la Terre.

Aussi loin que dans son souvenir, elle eût toujours été particulièrement discrète. Peut-être était-ce la seule chose qu'elle savait faire convenablement puisque jamais quiconque ne s'était réellement intéressée à ses idées, et encore moins à ses sentiments. Alors, plutôt que d'ennuyer autrui et par crainte de ne pouvoir l'éviter, elle s'était terrée dans cette routine silencieuse. Dès son plus jeune âge, les mots ne semblaient jamais vouloir paraître, à moins qu'elle détecte un véritable intérêt de la part d'une âme échangeant avec elle. L'Intérêt.

Ses pensées la tiraillaient parfois, elle pensait que personne ne s'intéressait à elle. Mais au fond d'elle, elle savait qu'il y avait bien eu quelques âmes qui s'étaient arrêtées pour l'écouter. Véritablement, sans aucun artifice. La famille Bridgerton en faisait partie intégrante. Ils étaient d'ailleurs les premiers à avoir prouver qu'elle s'était trompée. Avec plus de véhémence, Éloïse Bridgerton, la deuxième sœur, avait été l'unique amie dont elle avait toujours eu besoin. Leur précédente querelle était tellement pénible pour Pénélope. Elle avait la sensation d'avoir égaré sa boussole.

──── Pénélope Featherington !

Le cœur tressauta et les yeux trouvèrent leur chemin vers le regard sévère de Portia Featherington. Aussitôt, la concernée se souvint d'où elle se trouvait. Comment avait-elle pu de nouveau se perdre aussi loin dans ses pensées ? Le fauteuil inconfortable dans lequel elle se trouvait ne l'aida aucunement à se redresser, alors elle opta pour adopter un air faussement nonchalant, ce qui lui valut les moqueries de ses sœurs se tenant face à elle.

──── Vous rendez-vous compte que vos sottises nous mettent toutes dans l'embarras, jeune fille ?

──── Objectivement, pas toutes puisque Phillipa est mariée, souffla-t-elle ne supportant pas d'être le centre de l'attention dans cette pièce aux couleurs trop fanées.

──── À cause de toi, aucun gentleman n'est venu me demander d'être dans mon carnet de bal, ajouta Prudence qui elle, ne supportait pas d'être au second plan.

──── Donc d'après toi, le fait que je sois tombée a découragé tous ces gentlemen de t'inviter à danser, toi Ô Grande Déesse de cette famille ?

Prudence Featherington vira au rouge vif mais la maîtresse de ces lieux qui ne supportait pas que ses filles se querellent entre elles prit aussitôt la parole.

──── Phillipa est certes mariée mais il me reste deux filles et ce genre d'incident ne nous aide en aucun cas, jeune fille. Et Prudence, la chute de votre sœur n'est en aucun cas la raison de votre impopularité.

Portia porta sa main à son front, feintant un soudain malaise et soupira longuement.

──── Que vous est-il arrivé ?

──── Je vous demande pardon ?

──── Pourquoi êtes-vous tombée ?

──── Mère, je pense que la honte teinte bien assez mes joues et mon cœur. Je ne souhaite pas en parler et encore moins y penser.

L'Incomparable de son cœur | BRIDGERTON Où les histoires vivent. Découvrez maintenant